Films américains : Raz-de-marée
Cinéma

Films américains : Raz-de-marée

Quelques belles idées, mais peu d’idées folles; quelques vieux joueurs et peu de petits nouveaux: si l’automne US au cinéma s’annonce tiède, on peut tout de même espérer des  trouvailles.

L’automne américain 2000 ne sera pas aussi fou que celui de l’année dernière (il y a eu Being John Malkovich, tout de même…), il s’annonce même assez pépère. Cependant, on attend bien au tournant quelques belles intentions, signées par des valeurs sûres. Le Tailleur de Panama, l’avant-dernière oeuvre de John Le Carré, a intéressé le toujours passionnant John Boorman. Le tailleur pourchassé, au lourd passé, est Geoffrey Rush et l’Anglais élégant qui lui court après ne pouvait être que le meilleur allié de Sa Majesté, Pierce Brosnan. Cameron Crowe (Jerry Maguire) raconte ses débuts de journaliste à Rolling Stone, quand il menait grand train à la remorque de Led Zeppelin, dans Almoust Famous, avec Billy Crudup (Jesus’ Son), Frances McDormand, Anna Paquin et Philip Seymour Hoffman. Stephen Hopkins fait un remake de Garde à vue de Claude Miller, avec Under Suspicion, un huis clos intense entre un prévenu (Gene Hackman) et un flic (Morgan Freeman). Hopkins a cependant signé Lost in Space et Predator 2… Par ailleurs, Robert Altman n’en finit plus d’ausculter les humains, surtout quand ce sont des femmes. Dans Dr. T and The Women, il choisit pour cela un gynécologue (Richard Gere), qu’il saura peut être diriger correctement face à Helen Hunt, Farah Fawcett (assez fofolle) et Laura Dern. Après Daniel Auteuil dans Sade, voici Geoffrey Rush qui prend le costume pervers du divin marquis, dans Quills, de Philip Kaufman (Henry & June): qui sera le plus sulfureux des deux? La curiosité est aussi très grande pour une comédie musicale qui se passe dans les années 20, avec Nicole Kidman qui danse, Ewan Mc Gregor qui chante, tous deux entourés de John Leguizamo et de Jim Broadbent: Le Moulin Rouge de Baz Luhrmann (Romeo and Juliet) s’annonce superbe, un grand festin pour la vue. Malgré un accueil mitigé à Cannes, on veut le voir de nos yeux: Brother, Where Art Thou? des frères Coen reste, sur le papier, une bien belle idée; la virée de trois prisonniers qui s’enfuient dans le Sud américain durant la Grande Dépression, une épopée rocambolesque copiée sur l’Odyssée d’Homère, avec George Clooney, John Turturro et Tim Blake Nelson. Comme les Coen, Lasse Hallström aussi a le don de la séduction (What’s Eating Gilbert Grape, The Cider House Rules): pour les premiers pas de Johnny Depp dans le pays de sa belle famille, il réalise Chocolat, avec Juliette Binoche, dans le rôle d’une charmante chocolatière. Dans la section "Sundance a aimé", Girlfight de Karyn Kusama, s’éloigne des clichés des femmes qui boxent, et l’actrice Michelle Rodriguez y est, paraît-il, prodigieuse. Aussi, Two family House, de Raymond DeFelitta, qui a gagné le prix du public à Sundance cette année, avec Michael Rispoli (des Sopranos).
Enfin, pour certains films, on peut presque y aller les yeux fermés; rien que les noms font saliver. Dans The Pledge, on retrouve Sean Penn à la réalisation, dirigeant de vieux compères et quelques surdoués de l’écran: Jack Nicholson, Robin Wright Penn, Aaron Eckhart, Vanessa Redgrave, Sam Shepard, pour l’adaptation d’un roman policier dans les années 50, une histoire de crime non résolu, à Reno. David Mamet, quant à lui, retourne à la caméra avec State and Main, où il tourne… un tournage qui tourne mal, avec, là encore, quelques pointures respectables: William H. Macy, Alec Baldwin, Sarah Jessica Parker et l’incontournable Philip Seymour Hoffman.

Les frileux
Cet automne, c’est clair, les Américains jouent de sûreté. Films conservateurs, remakes, adaptations: on s’économise jusqu’aux oscars. Mais, méfions-nous, nous ne sommes pas à l’abri d’un bon film. Robert De Niro, rassuré par son succès comique d’Analize This, remet ça dans Meet The Parents, de Jay Roach (les films d’Austin Powers) où il campe un papa ex-psychologue de la CIA qui terrorise son futur gendre, Ben Stiller. Sean Connery (avec des cheveux) joue au professeur avec Robert Brown, dans Finding Forrester, de Gus Van Sant, qui ne se casse pas trop la tête puisqu’il reprend la trame de Good Will Hunting en la mâtinant de Wonder Boys. Stephen T. Kay (auteur de l’exécrable Mod Squad) refait Get Carter de Mike Hodges, en remplaçant l’espion Michael Caine (qui joue tout de même dans le film) par Sylvester Stallone. On n’a peur de rien…
Dans la section hommes en uniforme, Men of Honor est un truc militaire on ne peut plus classique (l’histoire du premier plongeur noir de l’armée américaine: cela ne peut être que vrai) avec un redneck certainement raciste (Robert De Niro) et un Noir certainement têtu (Cuba Gooding Jr.). Ennemy at the Gates, un drame signé Jean-Jacques Annaud, raconte l’histoire vraie d’un sniper russe et d’un colonel allemand envoyé pour le tuer, lors de la bataille de Stalingrad. Avec trois beaux mecs: Jude Law, Ed Harris et Joseph Fiennes. Uniformes de sport, mais uniformes tout de même: Remember the Titans, de Boaz Yakin (Fresh), sur l’intégration des Noirs dans une High School de Caroline du Nord dans les années 70. Avec Denzel Washington en entraîneur de football tenace. On parle d’une production Jerry Bruckheimer allégée!

Pour la pêche aux oscars et au box-office, on ne prend pas de risques, on choisit ceux qui ont déjà eu ou ont frôlé la statuette: avec Pay it Forward, Mimi Leder (veut-elle se racheter après The Peacemaker et The Deep Impact?) réunit Kevin Spacey en prof défiguré, Helen Hunt en mère alcoolique et Haley Joe Osment en gamin qui aimerait les réunir: un film pour que le monde soit meilleur… Dans The Family Man, de Brett Ratner, Nicolas Cage veut savoir ce qui se serait passé s’il avait épousé son amour de jeunesse, Téa Leoni. Copie conforme de Me, Myself and I, récente comédie australienne. Dans la section potins, quand le rêve rencontre la réalité: Proof of life, de Taylor Hackford (When We Were Kings, mais aussi The Devil’s Advocate), où Russel Crowe, le gladiateur aux 58 sites Internet, enlève Meg Ryan des pattes d’un mari encombrant, qui, ça tombe bien, est pris en otage par des Colombiens. Dans la même section, on peut ajouter Bounce, puisque Ben Affleck et Gwyneth Paltrow (qui ne sortent plus ensemble) tombent amoureux l’un de l’autre dans ce drame romantique, signé Don Roos. Espérons que ce dernier a gardé sa verve, évidente dans The Opposite of Sex et Single White Female.

Enfin, penchons-nous sur l’influence directe de la télévision. Et restons calmes: Robert Zemeckis (qui produit aussi pour la rentrée un film d’horreur – ou une horreur- : 13 Ghosts) filme Tom Hanks en héros de Survivor dans Cast Away: l’histoire d’un pauvre gars de la FedEx qu’on oublie sur une île déserte. Ses cheveux poussent, sa sagesse aussi, certainement. Mais le courrier sera en retard… Et c’est encore avec Helen Hunt. Robert Redford, quant à lui, a compris que les matchs de Tiger Woods avaient une meilleure cote d’écoute télévisuelle que Who Wants to Be a Millionaire: il a donc réalisé The Legend of Bagger Vance (d’après, il est vrai, un roman de Steven Pressfield), avec Matt Damon, dans le rôle du héros qui se découvre une drive d’enfer et Will Smith, en caddy ange gardien. Et Redford aimerait certainement que le golf lui porte autant chance que le baseball (The Natural). Enfin, et il ne manquait plus qu’elles, voici les Charlie’s Angels, après 20 ans d’absence, et un tournage qualifié de chaotique. Avec Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu. Charlie a la même voix, mais il faut être prêt à s’ennuyer des boucles de Farrah Fawcett…

Les films qui font peur
Dans la horde des sujets déroutants qui frisent parfois l’étrange, voire le débile, arrive Unbreakable, du réalisateur de The Sixth Sens (M. Night Shyamalan). Dans ce thriller fantastique, Bruce Willis joue le rôle d’un mec invincible, qui sympathise avec un gars qui se casse toujours quelque chose (Samuel L. Jackson). Dans Miss Congeniality, Sandra Bullock joue le rôle d’un agent du FBI qui, pour attraper un méchant, se fait passer pour une Miss America. Passons outre à un autre film de faculté horrifique (Urban Legends : Final Cut) et une suite dans la forêt (Blair Witch Project: Book of Shadows) pour s’arrêter sur le bizarre: par magie, Mel Gibson réussit à percer le secret de la pensée féminine (!), dans What Women Want. Avec Bette Midler, Lauren Holly et… Helen Hunt. Côté films virils, on découvre un western, All the Pretty Horses, de Billy Bob Thornton; une histoire avec des chevaux et une amourette entre Matt Damon et Penelope Cruz. La bombe ibérique que l’on retrouve d’ailleurs au sommet, au lit comme en cuisine, dans Woman on Top, de Fina Torres (Oriana), un film qui s’annonce sympathique, mais un peu moins hot qu’il n’en a l’air. Dans The 6th Day, Arnold Scharzenegger se fait cloner (non, vraiment, ce n’était pas la peine) sous l’ordre du réalisateur de Under Fire, Roger Spottiswood. Aussi, dans Vertical Limit, de Martin Campbell, Chris O’Donnell doit aller récupérer sa soeur tombée dans une crevasse: The Perfect Storm sur le K2. N’oublions pas Red Planet, d’Antony Hoffman, avec Val Kilmer et Benjamin Bratt, sortes d’Action Joe qui s’écrasent sur la planète Mars. Il y aura également quelques diableries d’usage: Adam Sandler en fils de Satan dans Little Nicky et Elizabeth Hurley en démone dans Bedazzled.
Ils sont censés plaire aux enfants, mais ils leur feront peut-être peur. Outre le retour du poème de Tim Burton, A Nightmare Before Christmas, la tête de légume vert de Jim Carrey dans Dr. Seuss’ How The Grinch Stole Christmas, de Ron Howard, risque d’en faire hurler quelques-uns. Glenn Close, non plus, ne passera pas inaperçue en Cruella survitaminée, maintenant folle de 102 Dalmatiens. Jusqu’à combien de chiots vont-ils aller? Gérard Depardieu, qui joue dans le film, s’en moque, si cela peut enfin lui ouvrir la clé du royaume hollywoodien. Heureusement, il y a aura The Emperor New Groove, un dessin animé où un empereur se transforme en lama… Enfin, et pour avoir vraiment peur, The Exorcist Director’s Cut revient nous hanter: ceux qui ont vu la plus récente édition vidéo du film de William Friedkin savent déjà qu’il y a 11 minutes de plus au montage initial.

Et aussi…
Quelques curiosités: qu’est-ce que The Contender? Un thriller politique où des secrets d’État remontent à la surface alors qu’une femme (Joan Allen) brigue la vice-présidence. On retrouve autour d’elle, Jeff Bridges, Gary Oldman et Christian Slater. Le réalisateur Rod Lurie a de la suite dans les idées: il avait réalisé l’année dernière Deterrence, fiction sur un caucus de crise présidentiel. Difficile à imaginer, mais pourquoi pas: une histoire de postiches entre deux barbiers irlandais, un catholique et un protestant, dans le dernier film de Barry Levinson (Rain Man), intitulé An Everlasting Piece. Plus réaliste, The Yards, de James Gray (Little Odessa), raconte les démélés familiaux d’un petit malfrat (Mark Wahlberg) qui est entraîné par un copain (Joaquin Phoenix) dans la grande corruption. Une seule question pour la fin: combien de fois avez-vous lu le nom d’Helen Hunt?