Frederic Wiseman, le regard indépendant : L'homme à la caméra
Cinéma

Frederic Wiseman, le regard indépendant : L’homme à la caméra

À chaque année son Wiseman? Non, cette fois, c’est une trentaine d’un coup. Alors que presque tous les ans, le FFM nous propose un film de Frederic Wiseman, l’un des plus grands documentaristes au monde, le Festival a cette année passé son tour, et c’est à la Cinémathèque québécoise et à l’Université Concordia que l’on peut voir une rétrospective de cet auteur prolifique, Frederic Wiseman, le regard  indépendant.

À chaque année son Wiseman? Non, cette fois, c’est une trentaine d’un coup. Alors que presque tous les ans, le FFM nous propose un film de Frederic Wiseman, l’un des plus grands documentaristes au monde, le Festival a cette année passé son tour, et c’est à la Cinémathèque québécoise et à l’Université Concordia que l’on peut voir une rétrospective de cet auteur prolifique, Frederic Wiseman, le regard indépendant.
Environ un film annuellement depuis Titicut Follies (1967), des films dont la durée peut s’étirer jusqu’à 6 heures (Near Death, 1989), pas de musique et pas de voix off, un contrôle total du film de la prise de vue au montage et, à quelques exceptions près (dont La Comédie française ou l’amour joué, en 1996), des films qui décomposent une seule et même histoire, celle de la société américaine: Wiseman suit une logique implacable et fascinante, et son oeuvre est aussi riche que celle d’Hitchcock. Comme un entomologiste, il plante sa caméra dans un milieu, observe durant de longs mois les gens qui y grouillent et laisse le spectateur juger de ce microcosme. On en reste souvent abasourdi.
Wiseman est le sujet en or des étudiants en cinéma, le chouchou de ceux qui veulent disserter sans fin sur la vraie-fausse objectivité du documentariste, sur la notion de comportement des non-acteurs face à la caméra ou sur la constitution d’un sens au montage… En regardant un film de Wiseman, on parle vraiment cinéma. Particulièrement intéressé par le travail, par la quotidienneté, par les espaces clos des institutions, des groupes, des milieux et des villes, Wiseman réussit chaque fois à "rendre" la réalité telle qu’elle est, avec son lot de règles et de conformisme. Mais à force de montage et de répétitions, il réussit à montrer tout l’absurde de cette réalité.
Wiseman filme comme si, avant de poser un jugement, il lui fallait connaître les règles de l’endroit. On voit donc une vie, un milieu, un monde découpé en rondelles et passé à la moulinette. On suit surtout la routine du travail, celui des mannequins en chair à caméra dans Model (1980); celui du personnel hospitalier à New York dans Hospital (1969), on examine les entrailles d’un magasin, le Neiman Marcus de Dallas, dans The Store (1983); ou la vie d’un HLM à Chicago dans Public Housing (1997). Les gestes sans fin des employées qui découpent du poisson dans une usine sont aussi mécaniques que ceux de l’aide-soignante face au vieux sur le B.S. dans Belfast, Maine, son dernier film. Durant 4 heures, on entre dans la vie d’une ville portuaire américaine sans grande histoire. Mais la visite n’est pas celle d’un touriste qui s’épanche sur la couleur locale; on retient la banalité des discussions, sur un homardier comme au conseil municipal, l’assurance placide des chasseurs, la froideur des liens, la mécanique des gestes. Wiseman, c’est idéal pour apprendre ce que l’on croit connaître.

À la Cinémathèque québécoise et à l’Université Concordia
Jusqu’au 1er octobre