Cinéma

Shirley Thomson, Conseil des Arts : Aux arts, citoyens!

Quand on demande à Shirley Thomson, directrice du Conseil des Arts du Canada depuis 1997, quelle est la différence entre Téléfilm Canada et le CAC, la réponse fuse: "Nous sommes rapides et nous prenons des risques!" dit-elle avec un sourire moqueur.

Quand on demande à Shirley Thomson, directrice du Conseil des Arts du Canada depuis 1997, quelle est la différence entre Téléfilm Canada et le CAC, la réponse fuse: "Nous sommes rapides et nous prenons des risques!" dit-elle avec un sourire moqueur. Ancienne directrice du Musée des beaux-arts d’Ottawa, madame Thomson profitait de la tenue du Festival du nouveau cinéma pour rencontrer les principaux intervenants montréalais du milieu des arts médiatiques, du film expérimental à l’installation sonore, en passant par la vidéo et le CD-ROM. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur le financement public des arts et les canadian critères qui s’y rattachent parfois.

En février dernier, le budget du Conseil des Arts du Canada ( www.conseildesarts.ca) fut augmenté de 10 millions de dollars, essentiellement consacrés aux jeunes artistes, entre autres ceux des néo-médias. Avec l’annonce récente des 50 millions de dollars annuels supplémentaires versés par Patrimoine Canada pour la production de longs métrages, on est en droit de se demander si le CAC ne va pas, lui aussi, profiter des largesses du ministère de Sheila Copps. "Nous vivons toujours dans l’espoir, répond diplomatiquement madame la directrice. Nous parlons tout le temps d’argent, et nous défendons les artistes en tentant de convaincre les politiciens qu’ils ne sont pas suffisamment appuyés. Disons que nous travaillons sur le dossier…"

Cela dit, alors qu’une émission pour enfants en est réduite à coudre des feuilles d’érable sur les costumes de certains personnages, le CAC est-il contraint de se soumettre à des critères de contenu canadien? "Nous ne faisons que du "contenu canadien"! Mais nous n’avons aucun règlement qui régisse la nature de ce contenu. Il faut seulement que le réalisateur soit canadien. Sinon on n’aurait pas pu soutenir quelqu’un comme Rohinton Mistry, l’auteur de Such a Long Journey, dont l’action se déroule à Bombay. Nous sommes une organisation axée sur les artistes, et nous travaillons dans la recherche, dans le développement; et les idées n’ont pas de frontières. C’est vraiment essentiel pour moi. Je ne peux pas imaginer une autre façon de fonctionner."

Nouvelles technologies et recherches formelles: l’art médiatique est, par définition, un domaine d’exploration qui coûte cher. Que répond Shirley Thomson à ceux qui voient les subventions culturelles comme de l’argent jeté par les fenêtres? "Ce qui était d’avant-garde il y a 30 ans fait maintenant partie de la culture populaire, et c’est vrai que l’art médiatique est, par rapport aux arts visuels, par exemple, un moyen d’expression onéreux. Nous avons un défi énorme à relever quant à l’éducation du grand public. Au Conseil, on parle toujours d’argent parce qu’il n’y en a pas assez, mais on n’a pas la mentalité du marché. Le propre de la race humaine, c’est de créer. Le reste du temps, on tue. Ça, c’est la raison philosophique. Par ailleurs, sans que ce soit une question de frontières, on peut défendre l’idée d’une identité nationale, le concept de "gens qui vivent à cet endroit". Et puis, il y a l’argument économique: les arts génèrent des millions de dollars en emplois et en retombées économiques. Sans parler des enfants, pour qui il est vital d’être éveillés aux arts. Nos salles étant contrôlées à 95 % par les Américains, allons-nous être complètement submergés par la culture populaire qui traverse nos frontières? C’est la grande question. C’est pour ça qu’il faut défendre les arts coûte que coûte."