Festival du film polonais de Montréal : Petite Pologne
Cinéma

Festival du film polonais de Montréal : Petite Pologne

Dans le documentaire À l’ombre d’Hollywood, de Sylvie Groulx, on voit plusieurs réalisateurs émettre leurs points de vue sur les envahisseurs américains: Tanner se fâche; Tavernier est nostalgique, et Andrzej Wajda semble tout seul, un peu perdu dans son royaume de Pologne, dépité de l’engouement des Polonais pour le cinéma US. Pas si sûr  pourtant…

Dans le documentaire À l’ombre d’Hollywood, de Sylvie Groulx, on voit plusieurs réalisateurs émettre leur point de vue sur les envahisseurs américains: Tanner se fâche; Tavernier est nostalgique et Andrzej Wajda semble tout seul, un peu perdu dans son royaume de Pologne, dépité de l’engouement des Polonais pour le cinéma US. Pas si sûr pourtant… Sous la présidence de Denise Filiatrault s’ouvre le premier Festival du film polonais de Montréal, et l’invité d’honneur, le cinéaste Krzysztof Zanussi, se montre beaucoup plus enthousiaste que son compatriote. "En 1999, nous étions les champions de l’Europe, dit-il d’une voix posée. Autour de 65 % des ventes de billets de cinéma se rapportaient à des films polonais, dont celui de Wajda: Pan Tadeusz! Malgré une invasion américaine, on remarque une réaction violente qui touche à notre histoire. On trouve bien sûr des films qui sont des imitations du cinéma hollywoodien, mais aussi des films historiques, à costumes. Et, en ce moment, il y a quatre grandes productions qui se préparent, dont un remake polonais de Quo Vadis et une biographie de Chopin. Est-ce le seul chemin à prendre? Non, car les films plus actuels sont évidemment nécessaires."

Pour les films modernes, voilà six exemples, à voir au Cinéma Égyptien, les 24, 25 et 26 novembre. Maître du cinéma polonais, Zanussi (Illumination, La Spirale, La Constante, Le Contrat) fait encore preuve de rigueur dans sa démarche et ne cesse de se questionner sur le spirituel, notamment avec son dernier film, La Vie comme maladie mortelle sexuellement transmissible, qui a reçu le Prix du meilleur film au Festival de Moscou. En racontant l’histoire d’un médecin dans la soixantaine qui pense être atteint d’une maladie incurable et qui emmerde un peu tout le monde, Zanussi plonge une fois de plus dans ses méditations philosophiques et spirituelles, autour d’un concept pivot: la mort est inévitable, mais cela vaut-il la peine d’y penser? "Le spirituel est naturel dans la culture européenne, explique Zanussi. Regardez Bergman, Tarkovski et Kieslowski. Dans ce film, je veux visualiser l’espoir. Est-ce que la vie a un sens? Je pense que oui." Conséquent, Zanussi, qui a déjà fait un documentaire sur Jean-Paul II (D’un pays lointain, 1981), est, entre autres honneurs, membre de la Commission pontificale pour la culture au Vatican… "Oui, c’est très exotique, n’est-ce pas? dit-il, amusé. Tous les ans, je rencontre des évêques et l’on discute sur des documents, en vue d’informer le pape de nos avis sur ce qui se passe dans le monde sur le plan culturel!" Et l’on ne dit plus "chébran", Votre Sainteté.

Sans offrir un panoramique culturel de la Pologne d’aujourd’hui, ce Festival permet cependant de s’en faire une maigre idée. On commence par quelques documentaires du regretté Krzysztof Kieslowski, des classiques: Point de vue du portier de nuit, Hôpital, Sept Femmes d’âges divers, Refrain et Têtes qui parlent. Avec La Danse des roseaux, le documentariste respecté Andrzej Fidyk est allé faire un tour dans le Sud de l’Afrique, au Zwaziland, pour un documentaire délirant sur le sida. Suivant une coutume traditionnelle, des centaines de jeunes filles dansent durant six jours devant le roi, afin que celui-ci choisisse une nouvelle favorite. Des adolescentes éveillées, le roi Mswati III et ses larbins, tout le monde discute de la polygamie, et les faits circulent dans la savane: viols, incestes, virginité perdue à 10 ans, un adulte sur quatre (entre 15 et 49 ans) infecté par le sida en 1999. Et le roi n’a qu’une réponse: il se marre… Délirant.

Moins réussi, le film Les gars ne pleurent pas, d’Olaf Linde Lubaszenko, ressemble à une pâle copie de Pulp Fiction, le film qui mélange les genres. Des petits truands nullissimes à la gâchette facile, un mignon violoniste qui s’enfuit avec le magot, un coloc très préoccupé par son acné qui veut coucher le plus rapidement possible avec une fille, et un mafieux débile qui ne comprend rien à Mort à Venise. L’histoire part dans tous les sens, et la mise en scène fait ce qu’elle peut pour suivre ce rythme pétaradant. Par contre, La Dette, de Krzysztof Krauze, est un polar sociologique plutôt bien fait, quoique s’étirant en longueur. Parti d’un fait divers où deux gars bien comme il faut se sont transformés en meurtriers à cause d’une dette, le réalisateur démonte ce qui pousse à commettre un tel geste, tout en faisant le portrait d’une société moderne qui, tant bien que mal, essaie d’évacuer les travers du post-communisme: corruption, mafia et compagnie. De bons acteurs et une violence sous pression constante. Un film populaire en Pologne et ce n’est pas étonnant. Enfin, on l’avait déjà aimé au FFM: Le Grand Animal, de l’acteur et réalisateur Jerzy Stuhr, ou les tribulations rocambolesques d’un comptable et de son épouse qui tombent sous le charme d’un chameau. Bien sûr, sous l’humour léger de l’histoire, le film semble avoir encore ce ton un peu prêchi-prêcha que l’on emprunte quand on veut faire une fable, et qu’on désire mettre sur les épaules d’un tiers le poids de nos travers. Le genre fleurit bien avec la guerre, le militantisme et le communisme. Heureusement, l’oeil vif et le talent de Stuhr en font un bon moment.

Au Cinéma Égyptien
Du 24 au 26 novembre