Under Suspicion : Pièce d'occasion
Cinéma

Under Suspicion : Pièce d’occasion

Ah, les remakes américains! Drôle de tradition hollywoodienne qui trahit le malaise d’une industrie boulimique ayant de plus en plus de mal à inventer ses histoires, et qui doit, pour se nourrir, remâcher celles déjà existantes.

Ah, les remakes américains! Drôle de tradition hollywoodienne qui trahit le malaise d’une industrie boulimique ayant de plus en plus de mal à inventer ses histoires, et qui doit, pour se nourrir, remâcher celles déjà existantes. Le remake est pourtant presque aussi vieux que le cinéma; et Hitchcock ou Cukor lui ont donné ses lettres de noblesse, allant même jusqu’à refaire leurs propres films. Aujourd’hui, c’est une autre histoire. Hormis les raisons purement économiques qui poussent Hollywood à acheter les droits des succès "locaux" (de La Totale à Louis 19, la liste serait longue), certains remakes sont nés d’une réelle envie de donner une autre lecture d’un film, d’apporter un regard neuf sur une histoire ayant déjà fait ses preuves.

Avec Morgan Freeman et Gene Hackman comme producteurs exécutifs, Under Suspicion semble être au-dessus de tout soupçon bassement mercantile, mais, presque vingt ans après l’original, ce remake de Garde à vue n’offre rien d’autre que l’occasion, pour deux acteurs solides, d’étaler leur talent. Tant mieux pour eux, mais le meilleur des comédiens n’a jamais réussi à "sauver" un film moyen (vieille rengaine…). Suspense en huis clos, le film de Claude Miller montrait la joute verbale et psychologique entre un notable soupçonné du viol et du meurtre de deux fillettes, et le flic sur le retour qui l’interroge, à la veille de Noël. Michel Serrault, Lino Ventura, Guy Marchand en assistant obtus, et Romy Schneider, en femme blessée, faisaient des merveilles. Dans le remake de Stephen Hopkins, la petite ville de province a les couleurs de Porto Rico; Noël a l’allure d’un carnaval tropical; l’épouse a la beauté incendiaire de Monica Belluci et Internet est mis à contribution. Sinon, c’est la même chose: le policier cherche-t-il de l’avancement en réglant de vieux comptes avec le suspect? Celui-ci est-il un honnête homme, victime d’un flic soupçonneux, ou bien un monstre se cachant sous un vernis de respectabilité? Quels horribles secrets peut-il bien dissimuler, et que sait sa jeune femme?

Si le fond est identique, la forme, elle, est bien actuelle. La confrontation entre les deux hommes est filmée comme un téléthéâtre des années 50; mais les flashback, illustrant la déposition contradictoire du suspect, semblent sortir tout droit de MTV. Caméra épaule, montage nerveux, images saturées: Stephen Hopkins (Lost in Space, Nightmare on Elm Street 5) s’est visiblement amusé, intégrant même l’inspecteur de police aux souvenirs du notable, qui s’empêtre dans son témoignage. Renforçant l’idée qu’au cinéma, on croit ce qu’on nous montre, ce procédé tourne vite au gadget, alors qu’il aurait pu, en étant mieux exploité, ajouter une autre dimension au film.

L’histoire est bonne, les acteurs aussi; alors pourquoi Under Suspicion ennuie-t-il lentement, mais sûrement? Peut-être parce que Freeman et Hackman ont déjà beaucoup (et mieux) donné dans l’indignation digne, pour le premier, et la duplicité sournoise, pour le second. Peut-être également parce que, remake ou pas, Under Suspicion ressemble à tant d’autres films, qu’on a l’impression de l’avoir déjà vu avant de le voir. Dommage.

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