Notes : Karel Zeman
Cinéma

Notes : Karel Zeman

Si vous êtes d’avis que les Grinch et autres dalmatiens ne sont qu’un produit de plus que les enfants avaleront et oublieront illico; mais que par contre vous pensiez que ces chères têtes blondes sont encore capables d’étonnement: filez à la Cinémathèque pour une séance d’émerveillement. Karel Zeman est un réalisateur tchèque qui, dans les années 50 et 60, a marqué une génération de cinéphiles par sa poésie et par l’ingéniosité de ses trucages. En allant un peu vite, on peut tracer une filiation directe entre Zeman, Georges Méliès, Jules Verne, Tim Burton et Terry Gillian. Comme eux, il est passé maître dans la construction habile d’un monde imaginaire. À partir d’éléments réels, d’acteurs, de maquettes animées, Zeman a su transposer la folie de certaines des plus belles histoires. Connu dès 1945 pour Un rêve de Noël, où une fillette rêve que sa vieille poupée s’anime devant l’arrivée de nouveaux jouets (primé à Cannes); puis avec l’arrivée des Monsieur Prokouk, le gentil citoyen tchèque au grand nez, porteur burlesque de messages d’intérêt public, et Inspiration, une animation de verre soufflée pour Colombine et Arlequin, Zeman lâche la grande période de la marionnette pour animer la gravure. Et l’aventure commence: la mer brille sous le soleil, les monstres marins ondulent et font des vagues, les héros se battent contre des pieuvres géantes… Les militaires sont des imbéciles qui aiment tirer de gros coups de canon; les héros, des rêveurs courageux; les scientifiques, des génies lunatiques, et les inventions restent définitivement "dix-neuvièmistes". C’est Jurassic Park avant l’heure (Voyage dans la préhistoire, 1954); des miniatures persanes animées (Le Trésor de l’île aux oiseaux, 1952), un mélange de Gustave Doré et des aventures du baron de Münchhausen (Le Baron de Crac, 1961). Sindbad va délivrer la fille du sultan en papier découpé (Les Aventures de Sindbad le marin, 1975). Il faut voir les gravures de Riou et Bennet (les illustrateurs de Verne), striées et animées, avec des affreux marins, des monstres placides, des sous-marins et des montgolfières dans l’extraordinaire aventure d’Une invention diabolique (1958). Dans L’Arche de M. Servadac (1970), une comète arrache sur son passage une partie de la terre. Tiré encore une fois de Verne, ce film est un rêve mauresque d’un autre temps, où le génie de Zeman, à la fois technicien exceptionnel et metteur en scène qui sait jouer de l’impact dramatique, est à son meilleur. Un cinéma excentrique mais vraiment accessible à tous, pour sortir d’une salle avec le sentiment de n’avoir pas grandi… À la Cinémathèque québécoise, du 1er décembre au 18 janvier 2001.