Unbreakable : Casse-cou
Cinéma

Unbreakable : Casse-cou

Attention, fragile. Avec Unbreakable, nous sommes dans la zone grise d’un produit à la fois brut et très ciselé; entre la puissante influence d’un maître et l’assurance de plus en plus affirmée d’un regard particulier.

Attention, fragile. Avec Unbreakable, nous sommes dans la zone grise d’un produit à la fois brut et très ciselé; entre la puissante influence d’un maître et l’assurance de plus en plus affirmée d’un regard particulier; entre une recette et un style. Drôle d’objet agaçant qui distille des moments envoûtants.

M. Night Shyamalan a écrit et réalisé The Sixth Sense: immense succès. Il reprend la formule avec raison: Unbreakable a amassé plus de 47 millions $ US de recettes durant le week-end du Thanksgiving. On reprend Bruce Willis en héros peu bavard; une femme angoissée par l’anormal (Robin Wright Penn), et un petit garçon qui veut savoir (Spencer Treat Clark, non crédible). On a aussi une excellente ambiance et une fin-surprise. Réédition? Variation sur le même thème serait plus juste. Dans cette histoire de yin et de yang, de bon gars ayant une santé de fer mais pas une grande force de caractère, opposé à un collectionneur de BD fantastiques (Samuel L. Jackson), mastermind atteint d’une maladie fragilisant ses os; on retrouve cette aptitude au mystère et ce sens du thriller que l’on peut appeler hitchcockiens, et qui faisaient la force de The Sixth Sense. Le réalisateur se pose même en cameo, comme le maître. Mais là s’arrête la comparaison. Hitchcock laissait des questions en suspens afin de mieux torturer notre logique et inoculait à ses films de sérieuses névroses. M. Night Shyamalan ne tire pas de ficelles aussi diaboliques. Il surfe sur le malaise. Le gars est très habile, mais pas tordu. L’envie de tout dévoiler semble le guider (à moins que ce ne soit une concession; par crainte de dérouter le spectateur-payeur en lui cachant des réponses, telle la finale manichéenne de Fight Club); et il appuie sur ce qui devrait rester des détails (l’importance des rôles de la mère et de l’enfant). Mais coûte que coûte, il veut nous foutre la trouille, et nous déstabiliser. Il badigeonne donc d’une couche supermanipulatrice un récit plus incertain que celui de X-Men. Et il réussit.

Lents fondus au noir qui arrivent toujours rapidement ayant pour effet de "casser" la scène; panoramique qui s’éloigne du centre d’intérêt pour nous traîner là où l’on ne veut pas aller; refus d’accélérer le mouvement, et même ralentissement de la cadence, quand un noeud approche; jeux de miroirs; cadres surchargés et emprunts au monde des superhéros (la silhouette énigmatique de Jackson contre celle, animale, de Willis; les codes du Bien et du Mal; le sens justicier de Willis qui choisit les criminels à châtier): on met toutes les machines en place pour nous troubler et certaines séquences sont superbes. Plus sophistiqué que The Sixth Sense, mais plus mécanique aussi. Plus que jamais, on nous balise l’inquiétude…

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