Yana's Friends : Pulsions guerrières
Cinéma

Yana’s Friends : Pulsions guerrières

Yana la Russe (Evlyne Kaplun) débarque en Israël. Elle fait partie de ce million de juifs russes qui ont déferlé sur la terre promise depuis la perestroïka. On est en 1991, et les missiles iraquiens pleuvent sur  Tel-Aviv.

Yana la Russe (Evlyne Kaplun) débarque en Israël. Elle fait partie de ce million de juifs russes qui ont déferlé sur la terre promise depuis la perestroïka. On est en 1991, et les missiles iraquiens pleuvent sur Tel-Aviv. À en croire la mise en scène d’Arik Kaplun (réalisateur et mari de l’actrice), nous voilà transporter au jour du jugement dernier avec sirène de couvre-feu, masques à gaz et hystérie collective. Parallèlement, la pauvre Yana se débat dans sa misère quotidienne: elle subit coup sur coup une guerre, un dépaysement, un divorce, un avortement, en plus d’être victime d’une magouille financière. Ici, le cinéaste semble avoir négligé un point central: la crédibilité. Mais comme la vie n’est pas si ingrate, Yana rencontre un bon Samaritain. Eli, de son petit nom (Nir Levi), est en fait son colocataire dans cet immeuble de fortune où émigrés et désargentés s’entassent pêle-mêle. On sent dans ce film la tentative (plutôt ratée) d’inscrire la petitesse du destin humain dans l’immensité de l’épopée historique.

Yana’s Friends, c’est également la volonté de dénoncer le statut de seconde zone réservé aux émigrés d’Europe de l’Est en Israël. L’exclusion chronique a ainsi transformé le voisinage russe de Yana en alcooliques et en désespérés. Un terreau fertile pour les machinations de certains opportunistes crapuleux (un homme exploite l’infirmité de son beau-père pour réclamer l’aumône), mais aussi le lieu de passions impromptues comme celle qui, malgré la tourmente, liera Yana à son protecteur Eli. D’ailleurs, les plus belles images du film représentent le couple se laissant aller à l’acte charnel sans enlever leurs masques à gaz. Des moments fugitifs où le menace de mort dicte l’urgence du plaisir.

Des scènes qui ont justement inspiré l’affiche du film et initié, du même coup, un débat sulfureux. Au coeur du scandale, nos voisins ontariens jouent les prudes et interdisent l’outil de promotion du film. En filigrane, sur l’image proscrite, un homme semble affairé à palper les attributs nus de sa compagne, méconnaissable sous son masque à gaz, comme s’il s’acquittait d’un examen mammaire. Il n’en fallait pas davantage pour faire hurler l’Ontario Film Review Board qui, dare-dare, a dégainé les ciseaux de la censure. Un geste de pudeur remarqué qui a ironiquement arraché le film à l’indifférence qui le guettait.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités