Shower : Douche tiède
Cinéma

Shower : Douche tiède

Il était une fois, en Chine, un homme moderne. Dans le bourdonnement urbain, il vivait à la hâte de crainte que son existence ne lui file entre les doigts. Da Ming est de ceux que l’on désigne, sans plus de précisions, comme des  businessmen.

Il était une fois, en Chine, un homme moderne. Dans le bourdonnement urbain, il vivait à la hâte de crainte que son existence ne lui file entre les doigts. Da Ming était de ceux que l’on désignait, sans plus de précisions, comme des businessmen. Le titre résume la fonction: c’était un homme pressé. Toujours est-il que cet homme n’était quand même pas tombé d’un arbre, il avait un père et même un frère. Un port d’attache qui le sortait de l’anonymat. Un détail pour lui rappeler sa condition d’être social. Sauf que ses congénères étaient enracinés bien loin. Contrairement à lui, ils avaient eu le réflexe paresseux de rester là où ils étaient nés, dans un monde où les traditions en sursis redoutent l’émancipation moderniste.

Telle est donc la proposition du cinéaste chinois Zhang Yang: confronter les deux réalités pour mieux scruter les fissures de la modernité. Pour illustrer la chose, il a choisi l’univers des bains publics, lieu idéal pour la fainéantise et les prélassements improductifs. Dans des grands bassins fumants (que l’on nomme abusivement bains "turcs" malgré leur occurrence dans tout l’Orient), se prélassent des êtres oisifs et heureux. De quoi faire frémir celui qui considère déjà comme de trop les quelques minutes passées à se savonner le matin. C’est en quelque sorte la réaction muette de Da Ming (Quanxin Pu) lorsqu’il débarque à l’improviste chez son père, maître Liu (Xu Zhu), tenancier respecté d’un établissement de bain public.

Après tant d’années d’absence, notre homme moderne est foudroyé par un tel archaïsme et reste, au départ, imperméable au charme des rapports fraternels qui lient les clients accoutumés. Et pourtant le tableau est fort touchant: tous d’un âge bien avancé, des hommes réchauffent leurs vieux os dans une eau bouillante; d’autres se font malaxer les muscles, une mini-radio fredonnant un air d’opéra chinois soudée à l’oreille; alors que sur le banc voisin, des éleveurs acharnés se livrent à des combats de grillons. Et leur fidélité ne se dément pas: jour après jour, ils reviennent pour siroter leur thé, rafistoler des amitiés malmenées et échanger des ragots. L’hygiène est presque secondaire devant la vocation sociale.

Shower, récipiendaire de nombreux prix au fil des festivals, est de ces films gentillets que l’on regarde avec compassion en se désolant de l’effritement des "belles" valeurs. Mais, pour être marquant, il eût fallu que le film fasse preuve d’une mise en scène plus aiguisée, là où le cinéaste nous sert un enchaînement redondant et un brin conciliant. La conversion de l’homme moderne aux joies simples et la complicité retrouvée avec les siens, on voyait venir ça de loin. Pareil pour la naïveté forcée du fils cadet du tenancier, un débile léger. Ou encore la pédanterie de cet amateur d’opéra qui beugle sans relâche sous la douche un "O sole mio" irritant. Bref, une démarche pesante par moments, mais qui se laisse facilement pardonner, vu la charge du témoignage. Le film, superbement photographié, a en effet valeur d’archives puisque l’établissement qui servit au tournage a été froidement rasé, dès le départ des caméras. Difficile d’arrêter un rouleau compresseur en marche.

Sous-titre français à Ex-Centris
Sous-titre anglais au Cinéma du Parc
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