Chocolat : Petite bouchée
Cinéma

Chocolat : Petite bouchée

Au début des années 60, dans un petit village français mené par un maire dévot et rigide (Alfred Molina), débarquent une jeune mère (Juliette Binoche) et sa fille (Victoire Thivisol), venues on ne sait d’où.

Au début des années 60, dans un petit village français mené par un maire dévot et rigide (Alfred Molina), débarquent une jeune mère (Juliette Binoche) et sa fille (Victoire Thivisol), venues on ne sait d’où. Esprit libre et généreux, la jeune femme ouvre, en face de l’église, une chocolaterie qui réveillera des appétits de toutes sortes, attisera les jalousies, et sortira à tout jamais le patelin de sa torpeur tranquille. Une vieille dame indigne (Judi Dench) mènera le bal, suivie de la femme du tenancier (Lena Olin), d’une veuve joyeuse (Leslie Caron) et d’un vieux beau (John Wood). Les tenants des plaisirs interdits du cacao et ceux de l’austérité religieuse s’affronteront ouvertement alors qu’un beau gitan (Johnny Depp) arrive avec sa troupe dans les parages…

Présenté comme une "métaphore sur la tolérance, et l’éternel combat entre la tradition et le changement", Chocolat est un film mignon tout plein, mais qui part dans tous les sens. Cinéaste honnête, mais sans plus, Lasse Hallström s’est spécialisé dans le portrait de groupe, tantôt inspiré (Ma vie de chien, What’s Eating Gilbert Grape?), tantôt laborieux (Once Around, Something to Talk About), et parfois les deux à la fois (The Cider House Rules). Ici, il s’attaque à un registre plus fantaisiste, entre la fable moraliste, la chronique villageoise et le drame de moeurs, un mélange peu lié du Roi de coeur, du Mari de la coiffeuse et du Grand Chemin. Le ton est léger, la morale est rassurante, mais le cinéaste ne recule pas devant les éléments plus noirs de son histoire. C’est tout à son honneur d’avoir voulu ancrer la comédie dans un certain réalisme dramatique. Par leur force, certaines scènes – un homme saoul voulant battre sa femme, une mère cherchant sa fille disparue – auraient leur place dans n’importe quel drame traditionnel.

Le problème de Chocolat, c’est que l’époque du film est indéfinie, et qu’on se demande constamment où l’on est. On peut être agacé par le décalage provoqué par des comédiens français, britanniques et américains jouant, tous en anglais, des villageois français. Mettons ça sur le compte de conventions à respecter en adaptant le livre de Johanne Harris. On peut trouver irritant le choix du scénariste, Robert Nelson Jacobs (Dinosaur), d’avoir ponctué ses dialogues, dans la langue de Kubrick, de "Maman" et autres "Bonjour". Soyons généreux en se disant que pour une oreille étrangère, ça fait couleur locale. Mais ce qui est franchement exaspérant, c’est le flou dans lequel baigne cette histoire aux intentions intemporelles. Alors qu’un personnage évoque la Seconde Guerre mondiale, finie quinze ans plus tôt, comment croire à ce village français bouleversé par la découverte du chocolat en 1960! Ce mélange de folklore de carton-pâte et de réalisme donne un ton Euro Disney qui sape l’action même du film.

Reste Juliette Binoche plus belle que jamais, vive comme Carole Lombard, avec la superbe de Rita Hayworth, et l’intensité de… Juliette Binoche! C’est un plaisir de la voir à l’oeuvre, mais ce n’est malheureusement pas suffisant. Dommage.

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