FIFA : Les miroirs de l'art
Cinéma

FIFA : Les miroirs de l’art

La création artistique commencerait par un oratorio et se terminerait par une célébration de l’organique, et ce serait grandiose! Entre les deux, on repousserait, sans cesse et dans tous les domaines, les limites de la beauté, de la folie, de l’érotisme et de la mort… Encore une fois le programme de cette 19è édition du Festival international du film sur l’art (FIFA) se veut une fourmilière riche et vaste.

La création artistique commencerait par un oratorio et se terminerait par une célébration de l’organique, et ce serait grandiose! Entre les deux, on repousserait, sans cesse et dans tous les domaines, les limites de la beauté, de la folie, de l’érotisme et de la mort… Encore une fois le programme de cette 19è édition du Festival international du film sur l’art (FIFA) se veut une fourmilière riche et vaste. Un des meilleurs festivals d’Amérique du Nord qui se tient debout, coincé dans une petite semaine de fin d’hiver…

Oratorio, car William Klein (réalisateur du film culte des années 60, Qui êtes-vous Polly Magoo?) ouvre le FIFA avec une mise en images du Messie, de Haendel. Sur les choeurs du XVIIIe siècle, il juxtapose une vision chaotique du monde actuel, de Las Vegas à Israël, d’un Noël de sans-abri aux mascarades de la Semana Santa en Espagne. Parfois drôle, souvent hallucinant, son patchwork laisse à penser que seule la musique répond à une harmonie dans un monde de dingues, abruti de consommation et de croyances… L’ordre, par contre, est le maître mot de l’architecte Santiago Calatrava, qui explique son art dans Calatrava, Dieu ne joue pas aux dés, de Catherine Adda, film qui clôture ce festival. Ponts, gares et musées, sculptures d’équilibristes et aquarelles vibrantes: toutes les créations de ce grand architecte sont autant de recherches poussées sur la complexité organique du monde. Et son oeil-géode qui se reflète dans l’eau et qui ferme sa paupière, l’affiche de ce 19è festival, est une splendeur à faire damner tous les concepteurs de stades olympiques défecteux… Suivant les envies, on peut flâner dans tous les domaines artistiques, au gré de 180 films. Pour le plaisir, de l’architecture encore: les dessins inintelligibles de Frank Gehry et les effets plastiques de Le Corbusier ou Oscar Niemeyer, un architecte engagé dans le siècle, de Marc Henri Wajnberg, la construction sensuelle et futuriste pour un monde meilleur, vue dans les yeux sombres du Carioca bâtisseur de Brasilia.

Cinéma? Cinémas. Il y en a pour tous les goûts cette semaine: des lettres d’une amie-amante qui éclaircissent les ombres sur la vie d’une déesse, dans Loving Greta Garbo, de Lena Einhorn. Très cool, le réalisateur d’Underground parle en conduisant, raconte ses films et sa vision du cinéma et du rock, dans Emir Kusturica, de Gerald Fox. À voir: le montage ardu du dernier film d’Andreï Tarkovski, aux prises avec le cancer, dans Une journée d’Andreï Arsenevitch, de Chris Marker; une vieille entrevue-fleuve bourrée d’anecdotes, d’intelligence, de fous rires et de chefs-d’oeuvres tronçonnés dans Orson Welles: Stories of a Life in Film, du réalisateur britannique Leslie Megahey, auquel on rend hommage cette année; et, pour ceux qui l’ont ratée à PBS, l’oeuvre pur charme de George Cukor, avec On Cukor, de Robert Trachtenberg. Peu de choses en musique actuelle, mais un foisonnement en art actuel, dont les délires de chirurgie plastique de la Française Orlan, (Orlan, Carnal Art), un portrait de Yoko Ono, et les films expérimentaux canadiens de la section Miroirs de l’art: Nord magnétique, avec un tour de piste parfois étonnant (Emporium, Avamuktalik, Slang, Disaster).

On travaille la forme encore et toujours, pour aller plus loin, pour se rapprocher du tourment de certains artistes, emportés par la folie de la danse (Vaslav Nijinski, une âme en exil, d’Elisabeth Kapnist); par le rythme des mots d’Herman Hesse – être poète ou rien du tout, de Reiner Moritz; pour percer les secrets délirants de photographies dans le poétique et tragi-comique film Wisconsin Death Trip, déjà vu à Fantasia; pour accompagner la folie d’un compositeur (Ravel’s Brain), et pour afficher l’intime crûment dans les photos de Nobuyoshi Araki, de Jean-Pierre Krief. Après cela, les clichés de bonheur de Jacques-Henri Lartigue, les leçons de peinture et de vie d’un grand-père à son petit-fils (Les Couleurs du sang, de Philippe Baylaucq), la vie de Foujita (The Untold Biography of Tsuguharu Foujita), et même la naissance d’une contre-culture (The Source: The Story of the Beats and The Beat Generation) sont de tranquilles promenades de santé au pays de la création…

Du 13 au 18 mars
Info: www.artfifa.com/
Tél.: (514) 874-1637