Daniel Schmid : Le grand Suisse
Cinéma

Daniel Schmid : Le grand Suisse

Il pourrait être un Buñuel helvète; un croisement malsain entre une horloge suisse, un aristocrate sur le retour, un pervers et un clown. On pourrait s’amuser sans fin à coiffer Daniel Schmid de plusieurs casquettes, tant son oeuvre cinématographique reste hors du commun artistique.

Il pourrait être un Buñuel helvète; un croisement malsain entre une horloge suisse, un aristocrate sur le retour, un pervers et un clown. On pourrait s’amuser sans fin à coiffer Daniel Schmid de casquettes farfelues, tant son oeuvre cinématographique reste hors du commun artistique. Une filmographie discrète, imaginative et appréciée qui a fleuri dans la marge. À l’image de son auteur: élevé dans un hôtel par sa mère et sa grand-mère dans la région des Grisons en Suisse; dans une langue parlée par une poignée d’humains (le romanche); avec une image de la vie en société qui a longtemps eu le rythme nonchalant des vacanciers oisifs; Schmid a habité dans plusieurs coins de la planète, était un grand ami de Fassbinder et jusqu’à l’âge de 30 ans, dit avoir vu en moyenne cinq films par jour…

La Cinémathèque québécoise propose une rétrospective de tous ses films, jusqu’au 5 mai. L’occasion de plonger dans un univers hors mode, et de se rendre compte du talent et des sujets de prédilection de l’artiste. Par exemple, La Paloma (1974), son troisième film, et Beresina, or The Last Days of Switzerland (1999), son dernier, se reconnaissent au même ton ironique, au sarcasme subtil et inquiétant. Dans l’un comme dans l’autre, Schmid peint en silence, mais sans perdre de temps, la haute bourgeoisie empesée et décadente et les femmes trop vernissées et sérieusement fêlées.

Les femmes, tiens. Elles sont un guide, évidemment. C’est avec Tonight or never (1972) que Cannes retient le nom de Schmid. Ingrid Caven, l’ex-madame Fassbinder, apparaît dans cette fable buñuelienne où des serviteurs prennent la place de leurs patrons. On retrouve la blonde Ingrid, tuberculeuse cette fois, dans La Paloma, un long drame très fin de siècle, qui aurait, en fin de parcours, un haut-le-coeur surréaliste à la Ken Russell. Ingrid Caven revient aussi dans Shadows of Angels (1975), d’après le triste conte de Fassbinder; et dans Violanta (1977), ce sont Carole Bouquet, Lauren Hutton, Lucia Bosé et Maria Schneider qui se partagent le drame freudien dans les hauts pâturages. Puis Hutton seule mène la vie dure aux hommes dans Hécate (1982), d’après un livre de Paul Morand, avec Bernard Giraudeau et Jean Bouise.

Stoppons sur le merveilleux Il Bacio di Tosca (1984), un documentaire superbe, oeuvre de mélomane. Film déroutant sur la Casa Verdi, une maison de retraite milanaise pour vieux artistes lyriques et musiciens, où dans des couloirs qu’on n’emprunte pas, avancent des fantômes vivant dans une autre époque, mais qui restent des stars capricieuses. C’est parce que Fellini avait aimé ce film qu’il a conseillé à sa soeur Madallena de jouer avec Schmid dans Hors saison, en 1992. Retenons également The Written Face, en japonais, une fiction sur le kabuki (1995); et ce dernier film très drôle, toujours très Lulu, très opéra tragico-comique, où une call-girl russe déclenche une révolution suisse (Beresina)!

Un côté kitsch et réellement naïf émerge des films de ce grand Suisse. Pas étonnant dans ce cas que Schmid se soit entendu avec le maître en la matière, Douglas Sirk, à qui il a consacré un documentaire (Imitation of Life, Douglas Sirk, 1983) et qui venait, durant plusieurs étés, prendre un bol d’air dans l’hôtel de sa grand-mère…

À la Cinémathèque québécoise
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