Signs and Wonders : Mauvais augure
Cinéma

Signs and Wonders : Mauvais augure

Le début est vraiment extra. Un homme suit une femme dans une ville encombrée d’humains et de voitures. La caméra les prend en filature, et notre oeil de voyeur se cache derrière des panneaux, des vitres, tronçonnant le corps des individus  observés.

Le début est vraiment extra. Un homme suit une femme dans une ville encombrée d’humains et de voitures. La caméra les prend en filature, et notre oeil de voyeur se cache derrière des panneaux, des vitres, tronçonnant le corps des individus observés. On sent que la ville est moderne, mais sans caractérisques touristiques évidentes, et qu’elle engloutit les gens. C’est Athènes aujourd’hui. L’homme est Stellan Skarsgard, et le film, Signs and Wonders, le second long métrage d’un jeune réalisateur salué par Sundance pour son premier film, Sunday: Jonathan Nossiter.

On aime ça, mais pas tant que ça. On aime la facture, l’enveloppe et l’intention, mais point de réelle satisfaction dans ce film étrangement désincarné qui n’arrive pas à rencontrer les hypothèses de départ. Que veut Nossiter? Rien de moins que mettre à nu "l’américanité" à travers le fonctionnement d’un homme. L’idée n’est pas idiote, mais elle est tordue; prendre la généralité d’un comportement (que l’on décrit comme national) et en réduire les grandes lignes dans les choix de vie de quelqu’un, cela donne un type paumé avec des comportements hypertrophiés. Un porte-étendard monstrueux et non un individu complexe. Alec Fenton (Stellan Skarsgard) est un ingénieur américain vivant à Athènes avec ses deux enfants et sa femme, d’origine grecque, Marjorie (Charlotte Rampling). Alec et sa fille ont un jeu complice, celui d’interpréter le monde dans ses moindres détails. Ils comptent les réverbères, les bouches d’égouts et les voitures bâchées, et leur donnent un sens. Il en va de même pour la vie émotionnelle d’Alec: il quitte femme et enfant pour Katherine (Deborah Kara Unger) à cause d’un signe interprété; puis revient vers la Grèce et sa famille par une autre voie du destin. Là, il retombe amoureux de sa femme, mais Marjorie a refait sa vie avec Andreas (Dimitris Katafilos), un journaliste engagé. Et le destin encore -ou les signes, ou les hasards – vont se déchaîner dans une fin sciemment hermétique.

L’hermétisme est chic. Il se nourrit de cette errance narratrice, un décousu de bon aloi de type nouveau roman, où les humains et la ville sont sur un pied d’égalité, mais vus à travers une lunette distante et esthétisante. D’un côté, un homme cherche à saisir le bonheur, sans savoir comment, avec une naïveté (américaine?) immature; et de l’autre, la ville qui représente le berceau de la démocratie est montrée comme une succursale de franchises US. Au milieu de cette toile relationnelle couverte de post-it symbolistes, Charlotte Rampling détonne, donnant à son personnage une assise humaine bien réelle.

Et pourtant… Superbes, ces images vidéo retravaillées, pétantes de couleurs, qui retransmettent parfaitement l’idée de subjectivité du regard; bien vue, cette idée de chercher des détails signifiants, au pays même de la Pythie et du polythéisme; et vraiment excellente, la musique originale d’Adrian Utley de Portishead, combinée à des extraits de Szymanowski, d’Erik Satie ou de Tommy Dorsey. Mais par trop perdues ces âmes emportées par leur égoïsme, par la quête du bonheur individuel à n’importe quel prix…

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