Le roi danse/Gérard Corbiau : Ballet classique
Cinéma

Le roi danse/Gérard Corbiau : Ballet classique

Lorsque Gérard Corbiau sortait Farinelli, le castrat, il y a déjà sept ans, personne ne soupçonnait le succès populaire qu’allaient remporter les tribulations du chanteur eunuque.

Lorsque Gérard Corbiau sortait Farinelli, le castrat, il y a déjà sept ans, personne ne soupçonnait le succès populaire qu’allaient remporter les tribulations du chanteur eunuque. Si le film révélait, pour les plus critiques, un fâcheux penchant pour le mélodrame ainsi que des lacunes de mise en scène, il est vrai qu’on se laissait facilement charmer par les plumes et la beauté lyrique.

Tout aussi massif, Le roi danse, le plus récent film de Corbiau, semble fonctionner sur la même trame (romance, jalousie, trahison). Il avance dans son intrigue, déterminé comme une locomotive, et marque la pause aux 20 minutes avec des morceaux de bravoure. Volontairement crédule, on se laisse toucher par le joli tableau. Le déploiement est chatoyant pour l’oeil et doux pour l’oreille.

Cette fois, il est question de danse et toujours de musique. En 1653, Lully (Boris Terral, une petite tendance à l’over-acting), compositeur italien talentueux et opportuniste, gagne les faveurs du juvénile Louis XIV. "Il a été sacré roi très jeune. C’est un personnage très orgueilleux mais timide. Il se révélera par la danse", explique Corbiau en entrevue.

C’est l’époque du baroque, rien à voir avec les courbes gracieuses des danseurs courtois qui suivront au XVIIIe siècle. Ici, les chorégraphies sont très dépouillées, presque symboliques, les gestes, francs, sur des airs policés. Dans la peau de Louis XIV, Benoît Magimel est magnifique. À la fois arrogant et fragile, il arbore souvent le regard d’un monarque amer. Les dissidences le minent, et il réplique par l’extravagance (de ses costumes, de ses décors, de sa musique), comme pour persuader la cour de son hégémonie.

Et c’est à une véritable politique des arts qu’il aboutira, puisque en plus de la danse, le Roi-Soleil affectionnait aussi la comédie. C’est là qu’intervient Molière (Tcheky Karyo). Docile et enjoué (à mille lieues du portrait de Mnouchkine), il se pliera avec joie à la commande de création de spectacles (presque de variété) alliant musique et dialogues. Humilié par un tel pervertissement de son art, Lully ruminera sa rage.

"Ils ont créé 13 pièces ensemble, dont Le Bourgeois gentilhomme, renchérit le réalisateur. Vous savez, l’image que l’on se fait de Molière, c’est une invention du XIXe siècle. C’était un homme comique, un véritable clown. On en a fait un chantre du classicisme alors qu’il n’y avait rien de mesuré chez lui." Malgré un didactisme affiché et un goût pour l’émotion facile, Le roi danse recèle tout de même des qualités visuelles certaines (campées dans un académisme rigide), une fort jolie musique et une quête de la vérité historique qui en font un vrai divertissement à défaut d’en faire un grand film.

Intrigué, on se demande par contre ce qui pousse un documentariste (Corbiau en a signé une cinquantaine pour la télévision belge) à faire des fictions aussi sophistiquées. "J’aime faire rencontrer Louis XIV, Lully et Molière: ça nous emmène beaucoup plus loin que si je racontais le rapport entre la boutiquière et sa cliente. Quand je me donne pendant quatre ans pour faire un film, j’ai besoin d’être transporté par des gens qui me dépassent. J’ai horreur du quotidien."

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