The State I Am in : Un simple criminel
Cinéma

The State I Am in : Un simple criminel

Étrange histoire que celle de ce couple de bandits qui multiplie les manoeuvres avec pourtant un enfant à sa charge. Il faut dire que l’enfant n’est pas si jeune, même qu’elle est particulièrement lucide.

Étrange histoire que celle de ce couple de bandits qui multiplie les manoeuvres avec pourtant un enfant à sa charge. Il faut dire que l’enfant n’est pas si jeune, même qu’elle est particulièrement lucide. Jeanne (Julia Hummer) a 15 ans et, aussi loin qu’elle puisse remonter, elle n’a jamais mené une existence normale. Faisant partie d’un groupe criminel dont on apprendra si peu, ses parents firent un jour le faux pas d’enfanter alors que leurs engagements leur dictaient la clandestinité. Malgré ses activités mafieuses, le couple s’aime sincèrement.

Christian Petzold est un cinéaste confirmé en Allemagne. Pour expliquer l’origine de ce film, il avoue un intérêt singulier pour le quotidien anonyme des gangsters avant que les forces de l’ordre ne leur mettent la main au collet. Ainsi, au-delà des actes reprochables, ce qui l’intéresse, c’est cette "normalité" dans la marginalité. Dans le film, on voit Jeanne faire ses devoirs sous l’oeil attentif de sa mère, et on ressent la difficulté de faire ses courses lorsqu’on est recherché par la police.

Petzold propose à ses personnages une marginalité consentante, même si elle n’est pas toujours assumée. Dans les échappées de ses parents, Jeanne rêve de stabilité. En pleine crise identitaire, elle ne demande qu’à être intégrée dans cette majorité qui la renie. Pour la consoler, sa mère (Barbara Auer, mystérieuse et austère) lui fait miroiter un eldorado où son existence connaîtra enfin la normalité. Le quotidien le plus banal (fréquenter l’école, avoir des amis, tomber amoureuse) se transforme subitement en promesse de bonheur.

Bien que The State I Am in trempe dans un milieu de malfrats où l’argent vite gagné sécrète de la tension et des règlements de comptes, le cinéaste accorde peu d’importance à ces actions, toujours éludées, préférant épurer sa mise en scène et ciseler ses ambiances. Résultat: des atmosphères arides et silencieuses enveloppent des êtres fugitifs et malheureux qui gravitent autour d’un monde qui les refuse car au départ, par leurs actes, ils l’ont eux-mêmes refusé. C’est bien là le sort des héros tragiques, ceux qui ont fabriqué leur malheur de leurs propres mains. Terrés dans leur liberté illusoire, ils attendent les sauf-conduits qui les mèneront dans un autre pays. Impatiente, Jeanne franchira trop vite la ligne qui les sépare des gens honnêtes.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités