Pearl Harbor : Mayday, mayday!
Cinéma

Pearl Harbor : Mayday, mayday!

Il est gênant de commencer un article de façon si virulente, mais quelle infecte bouse! Précipitez-vous, mais ne venez pas vous plaindre… Pearl Harbor, le monstre hollywoodien en figure de proue des gros canons de l’été 2001, vient d’être  lancé.

Il est gênant de commencer un article de façon si virulente, mais quelle infecte bouse! Précipitez-vous, mais ne venez pas vous plaindre… Pearl Harbor, le monstre hollywoodien en figure de proue des gros canons de l’été 2001, vient d’être lancé; la dernière mégaproduction de Jerry Bruckheimer (Gone in 60 Seconds, Con Air, Armageddon, The Rock, Top Gun, en voulez-vous d’autres?) prend la mer; la grenade signée par le réalisateur Michael Bay (Armageddon, The Rock) est enfin dégoupillée. Et le bruit qu’elle fait en tombant, c’est "flop".

Pearl Harbor dure trois heures. Trois heures avec les dialogues les plus banals des 10 dernières années; l’intrigue amoureuse la plus élémentaire et prévisible qui soit; la vision guerrière la plus aseptisée et bêtifiante possible, et les scènes d’action (une demi-heure, tout au plus) aussi polies que sur un PlayStation. Remarquez bien, les images sont superbes. Bay et Bruckheimer apprécient sans doute la peinture, car ils ont prêté forte attention au rendu des images: les ciels changent de couleur à chaque plan, les aéronefs étincellent au-dessus des nuages, et tout brille quand les forteresses décollent d’un porte-avions. Bref, chaque scène de bataille a son camaïeu précis, comme ces gris pâles qui virent à l’anthracite lors du naufrage du USS Arizona: des couleurs découpées par le rond rouge sur les ailes de Zéros japonais, les habits blancs des marins, et par le feu des explosions. C’est à la fois Star Wars et Titanic.Mais ces exploits techniques somptueux et sans défaillance, où les héros dégomment des Nippons comme dans un jeu d’ordinateur, ne réveillent ni admiration ni émotion. Côté guerre ou côté coeur, rien ne passe. Il semble que le plus gros défaut de cette boursouflure cinématographique soit justement une méconnaissance totale du fonctionnement du cinéma. Que veut-on nous donner? Un moment de rêve, un élan patriotique, un soupir pour les héros, une réflexion sur les mythes qui entourent Pearl Harbor? Au lieu de chercher les outils pour y parvenir, au lieu de se servir des milliards de possibilités qu’offre une caméra, on nous gave de fausses larmes, de contre-plongées dans le soleil couchant, de drapeaux américains qui flottent dans la mer comme aux cieux, et de rachitiques discussions politiques. On nous gave au lieu de nous séduire.

Pour la petite histoire, Rafe Mccawley (Ben Affleck) est un pilote surdoué, un ami merveilleux, et l’amoureux attentionné d’Evelyn Johnson (Kate Beckinsale), infirmière de son état. Rafe part aider les Britanniques au-dessus de la Manche; ce qui permet une bonne scène de bataille aérienne entre Spitfire et Messerschmitt. Son avion tombe à l’eau, on le croit mort, et son meilleur ami, Danny Walker (Josh Hartnett), entreprend de consoler l’infirmière. Mais nous sommes le 7 décembre 1941 et dans le port de Pearl Harbor, on se réveille sous l’attaque-surprise des Nippons. Affleck a tous les attributs du labrador, Beckinsale est aussi fade que dans Much Ado About Nothing; et seul Hartnett, excellent dans The Virgin Suicides, s’en sort sans que l’on se moque de lui. Reste la guerre.

Si l’on comptait sur le duo de choc aux commandes de ce bijou pour nous dévoiler les stratégies militaires qui firent entrer les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, on se fout le doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Le film passe, sans se mouiller, sur les mythes entourant Pearl Harbor. Il n’effectue qu’un survol rapide, le tout uniquement évoqué par des soupçons de cartomanciennes de la part des militaires (dont Dan Aykroyd). Et on ne sait toujours pas si Roosevelt (Jon Voight) et les gradés sous ses ordres étaient au courant d’une attaque imminente; et qu’ils l’auraient éventuellement laissée passer pour entrer dans la guerre par la grande porte. Ce film est le degré zéro du film de guerre, du film politique et du film d’amour réunis. Un rase-mottes ultrakitsch. Relouez Tora, Tora, Tora, Gone with the Wind ou Memphis Belle pour plus d’exaltation.

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