Jaime Humberto Hermosillo : Le genre mexicain
Cinéma

Jaime Humberto Hermosillo : Le genre mexicain

La soixantaine bien sonnée et la filmographie bien garnie, Jaime Humberto Hermosillo est l’un des cinéastes les plus prolifiques du Mexique. Et des plus originaux, doit-on s’empresser d’ajouter, car ses histoires comptent autant de situations et de personnages incongrus que celles d’un Forcier des beaux jours, ou d’un Almodovar inspiré.

La soixantaine bien sonnée et la filmographie bien garnie, Jaime Humberto Hermosillo est l’un des cinéastes les plus prolifiques du Mexique. Et des plus originaux, doit-on s’empresser d’ajouter, car ses histoires comptent autant de situations et de personnages incongrus que celles d’un Forcier des beaux jours, ou d’un Almodovar inspiré. Avec son goût pour le kitsch, une mise en scène parfois ampoulée et des scénarios imbibés de mélodrame (et, par conséquent, souvent démonstratifs), il faut reconnaître à Hermosillo une audace bien assumée qu’il s’applique à faire briller autant dans le propos que dans la forme. Après un séjour dans son incubateur à fictions débridées, les récits réalistes en sortent immanquablement tordus.

Comme tout iconoclaste qui se respecte, le cinéaste a ses obsessions. Entre autres manies, il tient en horreur l’hypocrisie. Dans un geste frondeur, il tend un miroir aux conventions sociales et s’applique alors à départager les apparences et l’inavouable. Provocant, Hermosillo aime justement scruter ce que la pudeur et la bienséance dictent de taire (adultère, homosexualité). Une véritable prédilection pour les sentiments factices qu’il sasse et ressasse pour démasquer les ambages. En témoigne De noche vienes, Esmeralda, le récit délirant d’une infirmière candide à la Nurse Betty, mais polygame, et qui subit un procès pour avoir berné ses cinq maris en menant des vies parallèles. Le tout sur un ton de comédie musicale où le juge finit par se pâmer pour la belle infidèle!

Au tournant de la trentaine, Hermosillo réalisait Los Nuestros, son premier moyen-métrage qui annonçait clairement ses univers pas ordinaires. Une femme cocue se confie à une amie en espérant récolter conseil. La confidente fait son enquête et, constatant ses intérêts dans le dossier, finit par suggérer à la malheureuse la voie du suicide. Cinq ans plus tard, Hermosillo signait un autre film pas très rassurant: El cumpleanos del perro (L’Anniversaire du chien). Cette fois, il s’agit d’un homme qui, après avoir tué sa femme, demande conseil à un ami. Sensible à sa requête, ce dernier trouve sa propre femme quelque peu agitée et décide lui aussi de s’en débarrasser! Lorsque le climat se fait étouffant, Hermosillo privilégie toujours les transgresseurs aux fatalistes.

Après le couple, c’est la famille qui affiche un manque flagrant d’harmonie. Ici, qu’elle soit embryonnaire ou étendue, la famille mexicaine transpire rarement la gaieté filiale, même qu’elle se livre parfois à de drôles de règlements de comptes. Dans Intimidades de un cuarto de bano (Intimités dans une salle de bain), on vit à travers un plan fixe (celui du miroir dans une salle de bain exiguë) le viol conjugal d’une femme, les réprimandes de sa mère, les lamentations de son père et le suicide de son mari. Hermosillo renouvellera l’audace formelle du plan-séquence à deux reprises par la suite: avec La Tarea (Le Devoir) et La Tarea prohibida, deux films érotico-sociologiques où le réalisateur s’interroge entre autres sur le conflit moral que suscite le fait de filmer les gens à leur insu. Une question qui visiblement l’habite encore puisqu’elle est à la base d’Absence (tourné en anglais), son dernier film, à voir le 7 juin en première mondiale et en présence du réalisateur. Fermez les yeux sur la mise en scène et appréciez les propos décalés. Jusqu’au 24 juin, la Cinémathèque québécoise présente 19 de ses films réalisés entre 1969 et 2001.

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