Mademoiselle/Jacques Gamblin : Improvisation mixte
Cinéma

Mademoiselle/Jacques Gamblin : Improvisation mixte

Less is more , disent les Anglais. Une couche de moins, on nettoie le superflu, et c’est tout de suite plus élégant, plus clair. Quand s’arrête la surabondance d’images, enchaînées les unes aux autres en un rythme techno – ce qui est le lot du cinéma actuel -, la tranquillité a du bon.

Less is more

, disent les Anglais. Une couche de moins, on nettoie le superflu, et c’est tout de suite plus élégant, plus clair. Quand s’arrête la surabondance d’images, enchaînées les unes aux autres en un rythme techno – ce qui est le lot du cinéma actuel -, la tranquillité a du bon. Soudain, on aime les îles nues. Bon timing donc pour se refaire une virginité et pour apprécier à sa juste valeur Mademoiselle, le dernier film de Philippe Lioret. Lioret est un réalisateur peu pressé qui, après avoir été preneur de son, a bifurqué vers la réalisation avec Tombés du ciel et Tenue correcte exigée. Trois films, dont deux avec Jacques Gamblin, un acteur avec lequel il se sent en symbiose "J’ai été rassuré de travailler avec Lioret, explique l’acteur. Mais il n’y avait rien de rassurant dans le scénario! C’est un truc assez gonflé, fragile, qui mise sur des petits riens. Et ses petits riens auraient pu le rester…" La voix douce, le mot juste et le rire qu’on sent poindre, Jacques Gamblin raconte le numéro d’équilibriste qu’il a donné dans ce film tendre et si discret. Un numéro dans l’ensemble réussi, puisque le film a rallié critique et public. Gamblin joue le rôle de Pierre, un acteur ambulant qui sillonne la France avec deux compères (Zinedine Soualem et Isabelle Candelier), faisant des impros au gré des contrats, mariages et congrès pour la plupart. Durant 24 heures, il croise Claire (Sandrine Bonnaire), une représentante médicale, mariée, deux enfants. Mais une femme à la vie formatée qui rencontre un électron libre, ça ne reste que l’amorce d’une histoire d’amour. Et Mademoiselle se dévide en flash-back, celui d’une journée folle, vue dans le souvenir de Bonnaire. C’est tout, et c’est encore plus simple que Brèves Rencontres, de David Lean. Ils se sont croisés, ils se sont aimés. Point final.¸

Le talent de Lioret est d’avoir fait un excellent ménage. Il a évité les clichés, il n’a pas travaillé l’épure snob qui ne garde que l’incompréhensible, ni celle de la triste épargne qui enlève toute chair un peu rose; il a intériorisé la puissance de jeu de ses (excellents) comédiens et a réparti ces 24 heures de liberté entre les gestes qui comptent, les mots qu’on voudrait dire, les phrases banales, les sourires permis, et surtout les riens du moment, inutiles et comiques sur le coup, mais qui deviennent si graves quant on en fait des emblèmes: comme cette lampe-phare que Claire trimballe. C’est simple et on y croit de bout en bout. Sandrine Bonnaire est solaire, éclatante; si souriante et lumineuse qu’on se demande où elle avait caché cette légèreté. Gamblin, quand à lui, est étonnant de simplicité. Son personnage est en creux, accroché à l’histoire par son cynisme qui est, selon l’acteur, un cynisme bien pardonnable, puisque c’est pour Pierre une façon de rester pudique et de se protéger. "Il est préférable de jouer ce rôle quand on est mûr, quand on est capable de faire confiance à sa propre présence, fait remarquer l’acteur. C’est un caractère quasiment minéral! Avec un rôle si peu écrit, il faut vraiment faire confiance au réalisateur, accepter ce qu’il veut ou ne veut pas laisser passer." Des personnages dont on ne sait presque rien, qui ne se confient pas, et qui finissent pourtant par dégager toute l’épaisseur voulue, toute la ronde justesse. "C’est si bien écrit et dialogué que l’intime finit par résonner", dit joliment l’acteur.

Mademoiselle se regarde donc comme une comédie sur notes tristes, une petite histoire d’une heure et demie, qui vit le temps de son incandescence: ça prend le temps de vibrer, de brûler, et puis ça s’éteint. Il n’y a pas de sens aux soubresauts du coeur; ils arrivent, c’est tout. Bref, il n’y a souvent pas de quoi en faire un drame…

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