Time and Tide : Le monde des insectes
Cinéma

Time and Tide : Le monde des insectes

Ça décape. Time and Tide, de Tsui Hark, est le genre de film où, si vous avez cligné des yeux durant une scène, vous avez peut-être raté quelque chose. Mais, étrangement, en fin de parcours, la vue d’ensemble n’est pas celle d’une pétarade bien franche à la John Woo.

Ça décape. Time and Tide, de Tsui Hark, est le genre de film où, si vous avez cligné des yeux durant une scène, vous avez peut-être raté quelque chose. Mais, étrangement, en fin de parcours, la vue d’ensemble n’est pas celle d’une pétarade bien franche à la John Woo ou d’un film d’action lambda: ce serait plutôt une impression de course ou de glisse, comme le souffle d’un athlète maîtrisé durant deux heures. Il y a une fluidité féline dans tout cela… Comme si on voyait double, on est capable de sentir plusieurs rythmes qui se superposent; c’est dire si Tsui Hark est vraiment un surdoué et qu’il continue à irradier en Asie comme ailleurs. Rappelons que ce réalisateur n’est pas le premier venu: c’est une valeur sûre avec une cinquantaine de films musclés, dont la série Once Upon a Time in China, Peking Opera Blues, la production d’A Chinese Ghost Story, ainsi que Double Team et Knock Off avec Jean-Claude Van Damme.

Avec Time and Tide, Tsui Hark a relooké de vieilles idées. On est en plein film noir, où la parabole suit la courbe de la fatalité: un mercenaire, Jack (le chanteur rock taïwanais Wu Bai), veut se ranger: il est marié et attend un enfant. Mais les Triades et quelques Sud-Américains coriaces lui mettent des bâtons dans les roues. Il doit reprendre du service et finir le contrat. Il est aidé par une petite frappe sympathique, aussi sur le point d’être père, Tyler (l’idole pop de Hong Kong, Nicholas Tse), qui est emporté malgré lui dans cette fusillade de luxe. Ce héros à deux têtes est solide, avec d’un côté le vieux pro charismatique, celui qui a une classe folle, un James Bond supergadgets qui sait toujours d’où viennent les balles; et, de l’autre, le novice malhabile et instinctif, qui fait son apprentissage en accéléré.

Du début à la fin, Tyler reste cependant le point de vue du film. On suit l’évolution de ce second qui vient jouer dans la cour des grands. Et par lui, Tsui Hark construit une structure entre poésie urbaine, film de sabre et film d’apprentissage. La jeunesse underground et citadine de Tyler permet un Hong Kong au néon, avec une sensualité vive et des histoires d’amour saugrenues, qui rappellent le Wong Kar Wai de Chungking Express. Son amitié avec le mercenaire lance des scènes d’action pure où la caméra ne tient pas en place, où la focale nous joue Vertigo dans les puits de lumière et où les canons de gros calibres et les grenades prennent la taille de l’écran. Et les instants de répit guerrier sont vite comblés par les grands tourments de la vie: est-ce que je l’aime? Que faire d’un enfant? Et il faut que je me trouve un job sérieux… Au milieu de cette densité, Tsui Hark ne fait pourtant aucune économie sur la longueur des scènes de règlements de comptes. Elles s’éternisent, parfaitement rythmées entre les jeux de chat et de souris où les protagonistes s’évaluent et le moment où les balles crépitent et où les plans excèdent rarement deux secondes. La scène de poursuite dans les escaliers, puis sur les façades d’un immeuble surpeuplé, a une horloge interne hallucinante. Si, dans Time and Tide, la coquerelle est un symbole évident de toute la saloperie néfaste qui ne veut pas mourir, cette scène en est l’illustration parfaite. Les insectes vaincront…

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