À la verticale de l'été : Invitation au voyage
Cinéma

À la verticale de l’été : Invitation au voyage

Pour les apprentis voyageurs, les cinéphiles au long cours et les collectionneurs fous qui chercheraient à mettre en boîte les choses impossibles, en voici une rare: l’été. Le vrai, celui qui n’est pas coincé dans le travail, celui qui dure et durant lequel on peut s’ennuyer.

Pour les apprentis voyageurs, les cinéphiles au long cours et les collectionneurs fous qui chercheraient à mettre en boîte des choses impossibles, en voici une rare: l’été. Le vrai, celui qui n’est pas coincé dans le travail, celui qui dure et durant lequel on peut s’ennuyer. Celui qui génère des souvenirs de langueur, d’heures élastiques, et de siestes. Une certaine tristesse, une certaine sensualité, une certaine pourriture même. Une nostalgie d’on ne sait quoi. Le côté off des vacances, avec l’exotisme en plus. Comme du sable dans une bouteille, on retrouve l’essence de tout cela en un film, À la verticale de l’été, de Tràn Anh Hùng. On l’attendait depuis plus d’un an (sélection officielle, Cannes 2000); on avait aimé les invitations du même auteur vietnamien, L’Odeur de la papaye verte (Caméra d’or 1993) et Cyclo (Lion d’or 1995); et le revoilà avec une oeuvre encore plus exquise, véritable ode à une ville, à une saison et aux femmes.

Trois soeurs, Liên (Trân Nû Yên Khê, femme du réalisateur), Suông (Nguyên Nhû Quynh) et Khanh (Lê Khanh), préparent un dîner à la mémoire de leur mère. Grande complicité, harmonie totale, même pour les hommes qui les entourent: la famille semble unie et heureuse. Le mari de Suông est photographe; celui de Khanh, écrivain; et Liên vit avec leur frère, un acteur. Tous se retrouvent dans un café à Hanoï tenu par Suông. Entre cette fête et celle à la mémoire de leur père, un mois plus tard, une série de maladresses, de mensonges, d’aveux et de tentations va faire exploser cette image paisible. La famille reste le lieu où les tourments, sans être forcément fomentés, sont mis en couveuse: on cache, on se tait, mais ça finit par exploser.

Ce film, au titre si poétique, est du domaine de la sensation, de la perception par les sens, comme si le médium film entre le donneur et le receveur n’existait plus! Un voyage virtuel, en quelque sorte. On sent la pluie dans les rues de Hanoï, sa moiteur, et l’odeur presque écoeurante des jardins trop touffus. Tràn Anh Hùng a voulu filmer Hanoï qui, selon lui, est une ville où l’attitude dolente est si présente qu’on se demande si les gens y travaillent… Maisons ouvertes, voilages, murs aux couleurs passées, bric-à-brac bohème à faire baver l’Occidentale: les images de Mark Lee et les décors de Benoît Barouh laissent bouche bée. Et que les péripéties de cette famille nous échappent parfois, qu’on confonde ces femmes, plus belles les unes que les autres, importe peu. On aura compris l’essentiel. Que le bonheur n’est ni une maladie transmissible génétiquement, ni un état de grâce permanent. Que les jardins secrets et les mensonges enfouis jouent des tours. Que la famille, quand elle se tient, fait encore la force. Bref, si les messages sont touchants, tout est dans la mise en scène aux images profondes, aux gros plans plus soignés qu’un reportage photo, aux travellings élégants et aux plans-séquences qui ressemblent à un exercice de taï chi. Et le rituel du réveil chez la jeune soeur et son frère, au son de Lou Reed et du Velvet Underground, est plus qu’un clip branché et très zen. C’est un plaisir cinéma que Tràn Anh Hùng a raison de renouveler…

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