Bread and Roses : Pour un petit pain
Cinéma

Bread and Roses : Pour un petit pain

"Savez-vous quand est-ce qu’on a des roses, en plus du pain?" demande un syndicaliste, lors d’une réunion. "Lorsqu’on arrête de mendier." Ceux et celles qui refusent de mendier, dans le dernier film de Ken Loach, nettoient, jour et nuit, l’un des gratte-ciel de Los Angeles, où opèrent quelques-unes des puissances de l’économie mondiale.

"Savez-vous quand est-ce qu’on a des roses, en plus du pain?" demande un syndicaliste, lors d’une réunion. "Lorsqu’on arrête de mendier." Ceux et celles qui refusent de mendier, dans le dernier film de Ken Loach, nettoient, jour et nuit, l’un des gratte-ciel de Los Angeles, où opèrent quelques-unes des puissances de l’économie mondiale. Presque tous immigrants, de nombreux illégaux, la plupart des femmes, travaillent pour un maigre 5,75 $ de l’heure, sans assurance-maladie et sans congés payés. C’est leur lutte pour la syndicalisation, inspirée de la campagne Justice for Janitors, en 1990, que raconte Bread and Roses, premier film américain du réalisateur de My Name Is Joe.

Cinéaste depuis plus de 30 ans, Ken Loach s’est fait une spécialité du cinéma politique, à saveur humaniste, qu’il s’agisse du quotidien d’une famille ouvrière (Family Life), d’un thriller sur fond de conflit irlandais (Hidden Agenda), du chômage dans les années Thatcher (Riff Raff, Raining Stones), de la guerre d’Espagne (Land and Freedom) ou des luttes au Salvador (Carla’s Song). Tous ses films font preuve d’une conscience sociale aiguë, d’une direction d’acteurs très confiante, mêlant les professionnels aux amateurs, et d’un humour noir qui éclaire la grisaille. Naviguant entre le film de combat et le mélodrame humain, Bread and Roses est dans la même lignée, mais il lui manque l’énergie ou l’ampleur qu’on retrouvait dans les films précédents de Loach.

Bien loin de toute glorification hollywoodienne, le cinéaste ancre tout de même son histoire dans un personnage central. Ici, il s’agit de Maya (Pilar Padilla), jeune Mexicaine, qui vient de débarquer illégalement en Californie, et qui fait le ménage avec sa soeur Rosa (Elpidia Carillo), mariée à un Américain, et mère de deux enfants. Plus rebelle que son aînée, et ayant moins à perdre que celle-ci, Maya sera sur la ligne de front lorsque les employés d’Angel Cleaning se battront pour avoir des conditions de travail décentes. Elle sera également partagée entre Sam (Adrien Brody), jeune organisateur syndical, impulsif et idéaliste, et Ruben (Alonzo Chavez), homme de ménage, sur le point d’obtenir une bourse pour des études de droit.

Scénarisé par Paul Laverty (Carla’s Song, My Name Is Joe), un ex-avocat ayant travaillé plus de deux ans au Nicaragua, Bread and Roses a tous les ingrédients d’un film passionnant: une histoire universelle, humaine et sociale; des acteurs qui ont de la présence, surtout Pilar Padilla, une débutante, et Elpidia Carillo, bouleversante; et un cinéaste rompu au genre. Alors, pourquoi Bread and Roses nous laisse-t-il sur notre faim? Est-ce à cause du regard extérieur d’un réalisateur habitué à filmer de l’intérieur? Peut-être. Mais c’est surtout en raison du scénario, alternant une scène lourde et une scène légère; des glissements vers la caricature, que se permet le cinéaste, tant du côté des Latinos que du côté yankee; et de la progression mécanique d’une intrigue prévisible.

La grande scène de confrontation entre les deux soeurs est troublante, mais arrive trop tard pour animer ce film honnête, mais sans plus. Dans le même créneau "made in USA", Norma Rae ou Silkwood étaient mieux ficelés. Vivement que Ken Loach revienne en Grande-Bretagne!

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