Fantasia/Comedia : Banzai!
Cinéma

Fantasia/Comedia : Banzai!

Si Fantasia se classe parmi les festivals les plus fouineurs, à l’affût de la dernière bizarrerie et avec une programmation solide, Comedia et ses films comiques se lance encore timidement dans la danse. À hurler de peur et à rigoler: les faits saillants de l’été ciné en ville.

Cachez les enfants, c’est l’Halloween pour les grands qui recommence… Fantasia est dans nos murs pour la sixième année, jusqu’au 31 juillet. On pourrait lancer un truc, de type "La réputation de ce festival n’est plus à faire" ou "Fantasia arrive à maturation, comme le bon vin"; mais ce serait endormir un événement qui ne veut que réveiller. N’empêche, Fantasia vieillit et sa panse grossit: de plus en plus coté au niveau international, le festival du film de genre montréalais est affilié à Juste pour rire, et son catalogue 2001 est gonflé par la section Comedia, qui 0ffre des courts et des longs métrages humoristiques, ainsi que des rétrospectives. Des cannibales colombiens (Cannibal Holocaust) à côté des juifs du Sentier (La Vérité si je mens 2), ça surprend… mais c’est d’autant plus marrant. En partant, il faut savoir que Fantasia ne propose que des grands films. D’abord parce que ces sont ses programmateurs de choc qui le disent, et puis parce que sous la bannière "films à émotions fortes", on peut tout se permettre. Et en poussant chaque fois les limites du goût, en raffinant les horreurs, et en dépoussiérant les monstres, le rire est souvent la seule réaction possible. Soyons sérieux, Santo, le trésor de Moctezuma, il faut le prendre comment? C’est souvent nul, mais c’est rarement fâchant. Dans la tonitruance de ces chefs-d’oeuvre, fouinons.

Grand coup du festival et c’est du sérieux: la première mondiale du second film de Satoshi Kon, Millenium Actress, un splendide film d’animation du réalisateur de Perfect Blue. Une épopée sur le cinéma et sur l’Histoire qui ne sortira que l’année prochaine au Japon. Les fans bavent, avec raison. Des chouchous du festival proposent aussi leurs dernières oeuvres: Takashi Miike (Dead or Alive 2, et l’hallucinant Visitor Q) et Johnnie To (Wu-Yen, un magnifique vaudeville théâtral par le réalisateur de Cheung-Fo, The Mission). À noter également quelques bons coups de filet: l’émission TV la plus branchée de Tokyo s’appelle Vermillion Pleasure Night, un genre de SNL survoltée, avec plusieurs personnages, dont ceux de The Fuccon Family. C’est brillant et allumé. Une première occidentale pour Fantasia, à voir absolument. Et puis un film d’ouverture attendu, Final Fantasy: The Spirits Within, d’Hironobu Sakaguchi, l’animation 3D à son meilleur, et quelques oeuvres d’un cinéma qui monte, celui de la Corée (The Foul King, Barking Dogs Never Bites, Die Bad, J.S.A. et l’inquiétant The Isle).

Réalisateur prolifique et respecté (il a remporté le prix de la FIPRESCI pour Cairo, cette année à Cannes), Kiyoshi Kurosawa vient en personne présenter son film d’horreur, Séance. Pas de sang à gros bouillons, mais un truc bien visqueux à la Hitchcock qui fout une bonne chair de poule: un couple qui s’ennuie (Fubuki Jun et Yakusho Koji) – elle, médium en mal de célébrité, et lui, ingénieur du son – se retrouve impliqué dans une affaire sordide de kidnapping d’enfant. Mais l’enfant morte revient saluer les vivants… Séance a quelque chose d’une torture sans effusion, entrecoupant les scènes de morne quotidien (où le couple est antonionien, réunion de deux solitudes, comme souvent chez Kurosawa) par des flashs paniquants, mais très calculés. Mise en scène magistrale de boa constrictor qui vient hanter ce couple et le pôvre spectateur, soudain très minus dans son fauteuil… Claustrophobique serait plutôt l’ambiance de Chasing Sleep, de Michael Walker, avec un Jeff Daniels qui n’est pas dans son assiette. Voici un thriller déviant qui tourne autour d’un homme très perturbé. En pleine nuit, un prof attend sa femme qui ne rentre pas. Les heures passent, avec des somnifères inactifs, des visiteurs insistants, et la présence de la femme-fantôme de plus en plus morbide. Excellents acteurs et ambiance kafkaïenne. Ingénieux, quoique très Psycho, ces problèmes de tuyauterie et de toilette bouchée en reflet aux angoisses de ce professeur un rien secoué.

Dans cette première semaine de festivités, n’oubliez pas le mélo indien agréablement réaliste au pays de la guimauve bollywoodienne: Bhopal Express, de Mahesh Mathai, un film avec d’interminables longueurs, mais une sincérité évidente. David Lynch appuie sa sortie nord-américaine, c’est dire. À voir aussi l’adaptation de la BD underground, de la part du réalisateur de Crumb, Terry Zwigoff, avec Ghost World, qui décrit le quotidien psychédélique de deux ados rebelles (Thora Birch et Scarlett Johansson). Avant les gros canons qui déboulent en deuxième semaine de Fantasia, il faut sortir de l’anonymat Maurice Devereaux, un Québécois qui avait concocté une drôle de chose il y a quelques années, The Lady of the Lake, et qui présente ici son second film, construit avec les moyens du bord: Slashers, un Survivor de dégénérés plutôt ambitieux qui veut faire croire à un long plan séquence sanguinolent en temps réel! Le gars veut.

Plus tranquille est la programmation de Comedia. La Vérité si je mens 2, de Thomas Gilou, a connu un méga-succès en France. Le sens de l’esbroufe gueularde et business des copains d’Eddie (Richard Anconina) n’a pas tellement d’accroches culturelles québécoises, mais on peut supporter quelques perles dans le dialogue plus hurlé que joué et la pêche communicative d’un José Garcia. H.S., de Jean-Paul Lilienfeld, sur un tueur à gages qui se recycle (Dieudonné) est par contre complètement raté. Par ailleurs, on promet un avenir-culte à Hedwig and the Angry Inch, de John Cameron Mitchell, un succès de la scène off-Broadway, joué, écrit et réalisé par Mitchell: du glam-rock à la Rocky Horror Picture Show. Enfin, Bill Murray, jamais à l’abri d’une ânerie, prête son corps à une farce scabreuse et à une descente animée de type Inner Space, où l’on n’est pas à un pet près: normal, ce sont les Farrelly Brothers qui sont aux commandes d’Osmosis Jones. Enfin, et les petits plaisirs étant souvent bien grands, la série de courts métrages internationaux (Tout court! et Eat My Shorts!) laisse passer de savoureux morceaux: le sens du bonheur en 10 minutes pour Des morceaux de ma femme, de Frédéric Pelle; le délire au pied de la lettre dans Ils arrivent, de Stéphan Ferens et Jean-François Goize; l’amour qui brûle dans La Flamme, de Ron Dyens; et les parodies en Trailorvision signées Albert Nerenberg. Credo à suivre durant les deux prochaines semaines: rire ou hurler, c’est bon pour la santé… Bon cinéma.

Fantasia
Jusqu’au 31 juillet
Cinéma Impérial
www.fantasiafest.com

Comedia
Du 12 au 22 juillet
Cinéma le Parisien
(514) 790-HAHA (code: OMED)