Kippur : Pas de quartier
Cinéma

Kippur : Pas de quartier

Amos Gitaï est ce qu’on pourrait appeler un cinéaste audacieux. Lorsqu’il braque sa caméra sur son peuple, les juifs d’Israël, certains retiennent leur souffle car ils savent qu’il ne fait jamais dans la carte postale.

Amos Gitaï est ce qu’on pourrait appeler un cinéaste audacieux. Lorsqu’il braque sa caméra sur son peuple, les juifs d’Israël, certains retiennent leur souffle car ils savent qu’il ne fait jamais dans la carte postale. Kadosh, son film précédent, avait représenté avec maîtrise l’asphyxie par l’excès de dogmes; une critique de l’orthodoxie qui a bien provoqué son lot de hurlements. Lorsque Gitaï s’attaque maintenant à la guerre de 1973, initiée par la coalition arabe, alors que les juifs étaient occupés (à fêter le Yom Kippur), il choisit une fois de plus de décevoir les attentes les plus faciles en refusant toute exultation patriotique.

Kippur n’est pas un film de guerre pour amateurs de petits soldats et de manoeuvres stratégiques. Il fait plutôt partie de ces films existentiels qui dissèquent froidement la quintessence de la bêtise humaine qu’est la guerre, tout en se gardant d’en faire l’apologie. En ce sens, Gitaï dialogue davantage avec Terence Malick qu’avec Steven Spielberg. Si son réalisme cru ne lésine pas sur les membres amputés et les visages calcinés, c’est par souci d’authenticité (Gitaï a vécu cette guerre), plus que par goût du spectaculaire. Les images s’enchaînent cruellement dans un découpage qui refuse la glorification des gestes en misant sur les plans d’ensemble et la lenteur du montage. Nous suivons ainsi le parcours de deux jeunes militaires (Liron Levo et Tomer Ruso) à la recherche d’une affectation. Celui des deux qui avait du mal à contenir son exaltation, aura tôt fait de remiser ses fantasmes d’héroïsme.

Les deux soldats ne trouvent jamais leur division, mais ils tombent sur un médecin (Uri Ran Klauzner) à la fragilité palpable, qui les entraîne sur la ligne de (post)combat. Les héros se transforment alors en brancardiers, à l’affût du blessé qui gémit et de la vie qui fuit. Si l’ennemi est invisible, les morts sont bien réels. Sur les champs à peine traversés par la guerre, le silence est pesant, intolérable, car la situation échappe à toute justification. Seul un bruit d’hélice qui, dans un battement régulier, rappelle l’urgence du moment. Dans le ventre de l’hélicoptère s’entassent les mutilés crispés de douleur et puis l’appareil s’envole au-dessus de la terre boueuse et lacérée, objet de l’effusion. L’exercice se répète encore et encore alors que le sentiment d’absurde s’empare des personnages hébétés. Cinglant.

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