Lost and Delirious : Les enfants perdus
Cinéma

Lost and Delirious : Les enfants perdus

Mary "Mouse" (Mischa Barton), nouvelle pensionnaire dans un collège privé, devient la copine de chambrée de Paulie (Piper Perabo) et de Tory (Jessica Paré), qui sont amantes. Les trois filles sont inséparables et l’amour entre Tory et Paulie ne semble pas gêner la petite Mouse.

Mary "Mouse" (Mischa Barton), nouvelle pensionnaire dans un collège privé, devient la copine de chambrée de Paulie (Piper Perabo) et de Tory (Jessica Paré), qui sont amantes. Les trois filles sont inséparables et l’amour entre Tory et Paulie ne semble pas gêner la petite Mouse. Mais par crainte que ses parents n’apprennent qu’elle est lesbienne, la douce Tory rompt avec Paulie. Et Paulie pète les plombs, préférant de plus en plus la compagnie d’un faucon blessé à celle des humains… Lost and Delirious est le premier film en anglais de la réalisatrice Léa Pool, une histoire qui dormait sur les tablettes depuis sept ou huit ans, issue d’un scénario écrit par Judith Thompson à partir d’un roman canadien de Susan Swan, The Wives of Bath.

On pourrait aisément le classer dans la catégorie "coming-of-age movie", un Dead Poet Society au féminin. En effet, Lost and Delirious reprend tous les mécanismes du genre, de l’internat-prison huppé aux vers shakespeariens en écho à la fougue adolescente; de l’aliénation parentale à l’héroïne trop sensible, de la voix off de la spectatrice du drame au professeur-guide. Il y a même le faucon, symbole du tueur et de la liberté, qui déploit ses ailes au ralenti pour prendre son envol… Les balises sont si claires qu’on sait dès le début ce qui va se passer, et Léa Pool passe de l’une à l’autre sans les rater. Avec sincérité pour elle, mais avec ennui pour nous. Tout semble si évident qu’on cherche en vain la finesse et la rage d’Emporte-moi et des succès précédents (Anne Trister, La Femme de l’hôtel) de la réalisatrice québécoise.

Le malaise vient de deux lectures possibles. Si l’on regarde Lost and Delirious en le collant à la réalité, c’est se poser la question de sa pertinence en pleine Fierté gaie. Pourquoi personne ne vient en aide à cette fille? Pourquoi jouer encore l’ombre d’une homophobie si destructrice? Pourquoi toujours ce tableau sulfureux de l’homosexualité féminine? Parce que cela existe? Possible, mais le marteler de façon si peu subtile n’amène pas d’eau au moulin. Si, par contre, on ouvre le film à sa dimension de fable, où l’amour lesbien n’est plus qu’un exemple du grand amour, on nage en plein romantisme mélodramatique: sans indication spatiotemporelle, on flotte dans un monde où l’adolescence est la seule étape clairvoyante de la vie. À preuve, des adultes complètement détachés de leurs sentiments: une prof coincée dans le placard (Jackie Burroughs), un sage jardinier (Graham Greene), un père fuyant et un autre, homophobe. Et là encore, la mise en scène, suave mais sans originalité, ne sauve pas les meubles de ce scénario ampoulé. Reste que Léa Pool sait diriger des actrices en devenir, particulièrement Piper Perabo, loin des cocktails de Coyote Ugly; et que l’image de Pierre Gill a de la classe. Plus perdu que délirant, plus fleur bleue que rageant de désespoir, Lost and Delirious ne nous renvoie pas ce qu’il est censé insuffler: la force de l’amour.

Léa Pool: un film qui n’est pas dans l’air du temps
"Je suis à l’aise dans les non-lieux. J’aime qu’il n’y ait pas trop d’indications et cela ne change rien au problème de l’homosexualité féminine qui, selon moi, reste un tabou difficile pour beaucoup. Pour Lost and Delirious, je m’associe à une veine romantique, qui ose l’anachronisme, qui va au bout d’une émotion. Il y a dans cette histoire des choses qui me touchaient: le rapport à la mère, le côté répressif du milieu, le côté absolu d’un amour insupportable comme celui de Paulie envers Tory, le reflet des émotions fortes dans la poésie. Et puis j’ai travaillé avec des filles brillantes, qui ont une bonne capacité d’appréhension du monde. Même si elles n’ont pas connu autant de passion, elles ont un esprit kamikaze, et se jettent dans le rôle sans craindre de se casser la gueule. Mais le terme "coming-of-age movie" me semble galvaudé; une telle histoire peut concerner les adultes, tous ceux qui subissent une dépendance, et qui aiment trop, donc mal."

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