Planet of the Apes : La bête humaine
Cinéma

Planet of the Apes : La bête humaine

Variation sombre et flamboyante d’un mythe bien connu, Planet of the Apes n’est pas le chef-d’oeuvre attendu. C’est seulement un très bon film de Tim Burton. C’est déjà beaucoup.

Dans une industrie hollywoodienne où les réalisateurs sont interchangeables, surtout en ce qui concerne les lucratifs blockbusters estivaux, Tim Burton partage, avec Steven Spielberg et James Cameron, un créneau bien spécifique: celui occupé par de très rares cinéastes ayant réussi, au fil des années, à concilier succès public et respect de la critique, des réalisateurs ayant su attirer les foules tout en développant un univers bien à eux.

Ambiances gothiques, flamboyance visuelle, humour noir et romantisme échevelé: le monde selon Tim Burton ressemble à celui des contes et légendes de notre petite enfance, revus et corrigés par un amateur lucide de séries B, et de ce qu’elles avaient de fraîcheur et de vigueur. De plus, qu’il s’agisse d’un adolescent aux mains meurtrières (Edward Scissorhands), d’un justicier nocturne et solitaire (Batman), d’un cinéaste de série Z, génial et incompris (Ed Wood), ou d’un enquêteur, égaré sur les traces d’un fantôme sans tête (Sleepy Hollow), les films de Burton mettent de l’avant des personnages d’étrangers, d’originaux en marge de la norme. Il n’est donc pas surprenant que l’histoire d’un homme lâché dans un monde de singes ait séduit le réalisateur de Mars Attack!.

Avec des cinéastes aussi différents que James Cameron, Oliver Stone et Chris Columbus, et des comédiens allant de Schwarzenegger à Matt Damon, reliés, d’une façon ou d’une autre, au projet, l’idée d’un remake de La Planète des singes ne date pas d’hier. Mais Planet of the Apes n’est pas un remake, tout au plus une variation. Que les fans du film original de 1968 ne cherchent pas Zira, Cornelius, un héros en pagne, ou la Statue de la liberté enfouie dans le sable: il n’y a rien de tout cela dans cette nouvelle mouture, qui s’inspire directement du classique de Pierre Boulle, publié en 1963. Le seul élément commun aux deux films, c’est la présence de Charlton Heston, qui apparaît, sans même être crédité au générique, le temps d’une courte scène.

Ici, l’épopée s’amorce avec un pilote (Mark Whalberg), parti, en 2029, à la poursuite d’un chimpanzé de laboratoire, aux commandes d’une navette spatiale, et qui s’écrase, quelques millénaires plus tard, en pleine jungle, sur une planète gouvernée par des singes. Il est bientôt capturé par un marchand d’humains (Paul Giamatti), et acheté par une farouche militante pour les droits des humains (Helena-Bonham Carter), fille d’un sénateur (David Warner), aux prises avec le chef de l’armée (Tim Roth), qui, épaulé par son fidèle général (Michael Clarke Duncan), veut éliminer la race humaine. À des milliers d’années-lumière de la Terre, comment le valeureux pilote fera-t-il pour rentrer chez lui?

Spectacle grand public, qui remplit magnifiquement son mandat de divertissement estival, Planet of the Apes est suffisamment marqué par la vision du réalisateur pour satisfaire ses aficionados. De tous les films de Burton, c’est probablement de Batman que celui-ci se rapproche le plus. Ce type musclé et solitaire, luttant dans un monde hostile, n’est-ce pas un lointain cousin de l’homme-chauve-souris? Ape City, capitale simiesque aux allures de cité moyenâgeuse, n’évoque-t-elle pas les dédales chaotiques de Gotham? Cette superbe lumière d’outre-tombe, signée Philippe Rousselot, n’est-ce pas celle qui baigne presque tous les films de Burton?

Cela dit, Planet of the Apes est à Batman, ce que le dernier Star Wars était au premier de la série: un film qui remplit ses promesses, mais qui ne passera pas à l’histoire. Ne crachons pas dans la soupe: ce grand film d’aventures a du rythme et de la personnalité. Écrit par William Broyles Jr. (Cast Away), Lawrence Konner et Mark Rosenthal, le scénario ne manque pas d’humour ("Si vous achetez une fillette à votre enfant, vendez-la à la puberté: personne n’a envie d’avoir une adolescente humaine à la maison!", conseille un marchand), et suit un chemin assez convenu, exception faite d’un finale qui, sans avoir la force de celui du film original, est bien dans la lignée des films de Burton.

Avec Danny Elfman à la musique (magnifique ouverture percussive; après ça verse un peu dans le John Williams), Rick Baker aux maquillages (impressionnants, sauf Bonham-Carter, qui ressemble à Joan Rivers!), Rick Heinrichs aux décors, et Colleen Atwood aux costumes, et Chris Lebenzon au montage, le cinéaste s’est entouré de fidèles collaborateurs. Ça donne un film somptueux qui, sans être le chef-d’oeuvre attendu, se situe bien au-dessus des sorties hollywoodiennes de l’été.

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