À ma soeur! : Jeux interdits
Cinéma

À ma soeur! : Jeux interdits

Catherine Breillat renoue avec ses femmes libidineuses. Un dossier 1000 fois labouré, qu’elle s’applique à sillonner encore et encore comme pour révéler des angles enfouis. Connue comme le loup blanc en matière de cinéma féministe, Breillat a une réputation qui la précède et auréole son nom d’audace et  d’insolence.

Catherine Breillat renoue avec ses femmes libidineuses. Un dossier 1000 fois labouré, qu’elle s’applique à sillonner encore et encore comme pour révéler des angles enfouis. Connue comme le loup blanc en matière de cinéma féministe, Breillat a une réputation qui la précède et auréole son nom d’audace et d’insolence. Grâce au succès fort mérité de son précédent film, Romance, elle a rejoint le grand public. Une reconnaissance tardive, mais bienvenue. Car, depuis ses débuts, en 1976, sa démarche est des plus intègres, même si l’on a parfois l’impression qu’elle n’a réalisé qu’un seul et même film, décliné sur différents décors.

Après tout, l’enjeu est immuable, et l’intrigue, constamment braquée sur les frémissements de la femme hétérosexuelle en terrain intime. Qu’elle soit débutante ou bien rodée, elle vit toujours les mêmes conflits face à celui qui lui impose sa virilité et la froisse dans ses élans. En signant À ma soeur!, Breillat boucle une trilogie qui, avec Une vraie jeune fille (son premier film, et de loin le plus marquant de la trilogie, redécouvert tout récemment après 25 ans de censure) et 36 fillettes, explore les états d’âme des demoiselles au seuil de la défloration.

Les trois films se déroulent durant la période des grandes vacances, alors que les possibilités de rencontres qu’offre le temps à combler tirent parti de la clémence des lieux (campagne, camping, et, dans le tout dernier, chalet bourgeois en bord de mer). Cette fois, l’héroïne est double car, on ne saurait dire s’il s’agit d’Elena (Roxane Mesquida), l’aînée et exquise déesse à la recherche de la prime étreinte, ou de son encombrante soeur, Anaïs (Anaïs Reboux), qu’un corps rondelet semble condamner à la passivité.

De loin en loin, on voit venir le fameux dilemme entre le corps et l’esprit puisque la plus désirable sera victime de sa beauté, alors que la plus moche cheminera, sereine, assez souvent, tout au plus désabusée à l’occasion. Et dans ces cas, elle fredonne: "J’ai mis mon coeur à pourrir sur le bord de la fenêtre, les corbeaux viendront peut-être…"

Dans leurs intérieurs, les deux jeunes filles ont quartier libre. Et même une canne et un chien-guide n’ouvriraient pas davantage les yeux de leurs parents (Romain Goupil et Arsinée Khanjian) transpirant l’indifférence. Résultat: un beau charmeur (Libero de Rienzo) atterrit dans la chambre des pucelles et déflore la plus belle pendant que l’autre observe et prend note. À mesure que l’Italien comptera fleurette, Elena, pourtant si volontaire au départ, enfilera le costume de la victime.

La légèreté de l’intrigue qui s’accommode d’une mise en scène assez superficielle contraste toutefois avec une certaine prétention didactique ainsi qu’une lourdeur occasionnelle dans les dialogues. Bref, le traitement plutôt réaliste (d’inspiration sitcom, au dire de la cinéaste) a parfois du mal à encaisser le poids des thèses trop construites de Breillat. Mais ce qui achève de décevoir les plus conciliants est sans contredit le finale, d’une violence inouïe. Sans justification, elle fera faire un bond de deux pieds au pauvre spectateur ramolli dans son fauteuil par les péripéties des deux pucelles.

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