Bacon, le film : Cochonneries
Cinéma

Bacon, le film : Cochonneries

C’est vrai qu’il y a des expressions qui se perdent… "Un tas de fumier", par exemple. On ne la met plus en tas, la merde de cochon, ce n’est pas rentable: le fumier s’écoule maintenant en liquide puant et polluant dans les nappes phréatiques.

C’est vrai qu’il y a des expressions qui se perdent… "Un tas de fumier", par exemple. On ne la met plus en tas, la merde de cochon, ce n’est pas rentable: le fumier s’écoule maintenant en liquide puant et polluant dans les nappes phréatiques. "Copains comme cochons" aussi va disparaître, puisque le cochon n’a plus d’amis: il est devenu agressif et complètement disjoncté depuis qu’il est élevé dans des mégaporcheries de plusieurs milliers de bêtes. Les deux seuls copains qui restent sont virtuels, ils s’appellent Babe et Porcinet. Mais des expression qui meurent, ce n’est pas si grave… Comme on boude le jambon persillé pour des raisons de santé, on va finir par mettre une croix sur le rôti de porc pour une question de politique après avoir vu Bacon, le film. Ce documentaire, signé Hugo Latulipe, réalisateur à l’ONF, revient nous chatouiller le projet de société. Car le film ressemble à une autre charge, celle de Desjardins et Monderie pour L’Erreur boréale. En visant l’industrialisation des campagnes québécoises, particulièrement l’élevage du porc, Bacon, suit la trajectoire du film sur les forêts. Même parti pris de dénonciation; même charge "anti-mondialisante"; même colère envers le copinage industriels/politiciens, mêmes commentaires du réalisateur livrés en voix off; et structure identique dans la confrontation entre les élus et le petit peuple. Les plans larges de cuves de purin renvoient aux plans aériens des coupes à blanc. Et si c’était choquant de voir une épinette passée dans la broyeuse, c’est troublant d’assister à l’émasculation, avec tenailles, d’un porcelet rose pâle.

Le plus effarant de ce film reste cependant l’attitude des décideurs face aux activistes (Roméo Bouchard, Maxime Laplante, Élise Gauthier et, pour le volet international, José Bové). Latulipe reçoit les mêmes réactions que Desjardins: des mines contrites, des ignorances affichées ou des chiffres absurdes. Encore une fois, politiciens et décideurs passent pour de fieffés imbéciles. Qu’on leur donne des crash courses d’entourloupettes s’ils ne comprennent pas tout de suite: Comment se comporter face à une caméra hostile? Quoi répondre quand on ne peut rien dire? Comment apprendre ses dossiers en temps de crise? Un tel niveau d’incompétence ne semble pas raisonnable, et presque organisé avec le gars des vues. Quoique, suivant le principe de La Soupe aux choux, ce soit toujours jouissif de voir un cultivateur plus éloquent qu’un politicien…

Latulipe flirte un peu avec l’envie d’une campagne bucolique et la nostalgie d’une agriculture paysanne. Il a raison de ne pas s’y complaire, la charge perdrait son effet. Les questions envisagées sont bigrement plus intéressantes: A-t-on si peu d’imagination qu’il faille encore suivre le Big Fat American Dream? Y a-t-il quelqu’un qui va finir par comprendre que l’environnement n’est pas un concept malléable? La poésie de Desjardins en moins, Bacon, le film est une sonnette d’alarme de plus.

Du 14 au 21 septembre au cinéma ONF
Voir calendrier
Cinéma répertoire