Rétrospectives Kon Ichikawa-Ingmar Bergman : La compagnie des grands
Cinéma

Rétrospectives Kon Ichikawa-Ingmar Bergman : La compagnie des grands

L’Occident le considère comme l’un des piliers du cinéma nippon avec Mizoguchi, Ozu et Kurosawa; mais on connaît très mal l’oeuvre de Kon Ichikawa. L’artiste est pourtant toujours de ce monde et, même s’il est plus vieux qu’Imamura, il continue de faire des films.

L’Occident le considère comme l’un des piliers du cinéma nippon avec Mizoguchi, Ozu et Kurosawa; mais on connaît très mal l’oeuvre de Kon Ichikawa. L’artiste est pourtant toujours de ce monde et, même s’il est plus vieux qu’Imamura, il continue de faire des films. Au dernier FFM, il présentait sa dernière oeuvre, La Mère; et la Cinémathèque québécoise propose une grande rétrospective de ses films les plus emblématiques; une expo partie de Toronto en juillet, et qui fait le tour des États-Unis jusqu’en 2002. Excellente découverte que celle de cet empêcheur de tourner en rond, qui filme avec détachement le désespoir et les idéaux humains. Parmi ses influences, Ichikawa cite Chaplin, Disney et les mangas. S’il devait y en avoir un, il est le chaînon manquant entre le cinéma classique japonais, la Nouvelle Vague et le cinéma contemporain. Il a fait du scope; a soigné le noir et blanc comme la couleur; il est aussi majestueux dans des plaines jonchées de cadavres qu’inquiétant dans les gros plans dramatiques; il s’amuse avec des arrêts sur images, des animations, de la peinture, et des montages qui font honneur au sens de l’ellipse! La critique japonaise n’a pas été tendre avec lui, mais Ichikawa a le regard d’un entomologiste subversif: que ce soit dans des drames de guerre du Pacifique comme Fires on the Plain, 1959, une quête hallucinante sur l’humanité; La Harpe de Birmanie, 1956, oeuvre antimilitariste notoire, il laisse l’humanité se débrouiller, comme on laisse un insecte crever dans le formol. Le sentiment est plus clair encore dans les drames de salon, tel le très chabrolien Kagi, 1959, où la bourgeoisie s’empêtre dans des démêlés sexuels, terreau idéal pour faire ressortir toute la pourriture d’un milieu. Sa forme d’humour très noir, ses moments de folie (sexe bien pervers, cannibalisme, incendies à répétition, meurtres et suicides à la pelle), couplés à une curiosité qu’il promène sans cesse, de la comédie tendancieuse (A Billionnaire, 1954) au kabuki (An Actor’s Revenge, 1963), en passant par une vision très personnelle des Jeux olympiques (Tokyo Olympiad, 1965), font d’Ichikawa un rare exemple d’intégrité protéiforme! Il faut surveiller la programmation de ses films: on peut y faire d’étonnantes trouvailles, et jamais ennuyeuses.

Autre rétrospective majeure à la Cinémathèque, celle d’Ingmar Bergman, bien qu’il y ait moins de nouveautés à découvrir. On présente quelque 31 films du maître, dont 28 avec sous-titres français. Entrer dans l’univers de l’un des plus grands créateurs de cinéma au monde ressemble à un bain de jouvence intellectuel. Que les curieux se forcent, qu’ils entraînent les indécis pour une soirée ciné à la Cinémathèque: dans chaque film de Bergman, on peut trouver des clés et des réponses aux questions de chacun. C’est un regard parfois froid, mais jamais sans étincelles, sur les grandes questions philosophiques: la mort, la signification de la vie, les relations humaines et la valeur des connaissances. Les Fraises sauvages, La Source, Le Septième Sceau, Sourire d’une nuit d’été, À travers le miroir, Persona, Cris et Chuchotements, L’Ouf du serpent, Sonate d’automne ou Fanny et Alexandre: des profondeurs que seul le cinéma peut atteindre…

Avec Ichikawa
Hommage à Bergman
Jusqu’au 28 octobre
À la Cinémathèque québécoise