Un crime au paradis/Jacques Villeret : Un honnête homme
Cinéma

Un crime au paradis/Jacques Villeret : Un honnête homme

1980, dans la France profonde, Jojo Braconnier (Jacques Villeret) et sa femme Lulu (Josiane Balasko) ne peuvent pas se sentir. Voyant à la télévision un brillant avocat (André Dussollier) qui en est à son 25e acquittement, Jojo va habilement lui tirer les vers du nez, pour savoir comment il devrait tuer Lulu et s’en sortir avec une peine minime.

1980, dans la France profonde, Jojo Braconnier (Jacques Villeret) et sa femme Lulu (Josiane Balasko) ne peuvent pas se sentir. Voyant à la télévision un brillant avocat (André Dussollier) qui en est à son 25e acquittement, Jojo va habilement lui tirer les vers du nez, pour savoir comment il devrait tuer Lulu et s’en sortir avec une peine minime. C’est un sujet gracieux, et tout à fait dans le mordant dont était capable Sacha Guitry. Car Un crime au paradis, de Jean Becker est une adaptation du film de Guitry, La Poison, tourné en 1951, et mettant en vedette Michel Simon et Pauline Carton. Chausser les pantoufles de Simon n’est pas chose aisée… "Depuis tout gamin, j’adore cette oeuvre, explique Jacques Villeret, mais lorsque Becker et Fechner (producteur) me l’ont proposé, on savait qu’après 50 ans, il y avait tout à reprendre, à actualiser. Je me suis juré de pas regarder le film, que je connais par coeur. Une fois que j’eus pris la décision de le faire, tout s’est déroulé naturellement. On gardait la scène centrale et jubilatoire entre Braconnier et maître Jacquard, l’avocat, mais on a ajouté des personnages secondaires comme l’institutrice (Suzanne Flon), une jolie idée." Là où Michel Simon tuait de sang-froid, la candeur de Villeret humanise le personnage. Malgré l’odieux du caractère de Lulu, on sent que Jojo regrette tout de même son geste.

Un crime au paradis est une comédie, mais une drôlerie pas si comique, demi-teinte dans laquelle Becker est à l’aise puisqu’on rit souvent jaune dans ces drames (Les Enfants du marais, Élisa, L’Été meurtrier). Ce n’est pas un film majeur, souvent inégal, bancal entre des scènes de comptoir qui s’éternisent avec Roland Magdane (hélas…) et des duos brillants, dont celui avec l’avocat où Dussollier est déchaîné. Mais Balasko et Villeret ne sont pas sur la même longueur d’ondes: Balasko force la dose, trop près d’une Raymonde Bidochon de café-théâtre – à laquelle le jeu très coincé de Dominique Lavanant en pharmacienne répond parfaitement. Villeret est plus nature, plus paysan: "Mon personnage est candide, c’est vrai, mais il " madré ", comme on dit à la campagne. Il a quelque chose de malin. Et il faut l’être pour faire ce qu’il a fait! C’est le second film que je tourne avec Jean, et je suis très séduit par son sens juste de la campagne; je le sais, j’en viens. Ce monde de ferme, c’était avec mes cousins en Touraine. Ça m’a plu de reconstruire ça. Parce que rien n’est exagéré."

Acteur d’une humilité déconcertante, Villeret est probablement l’un des grands de sa génération; quelqu’un sait où dénicher la poésie dans l’humour et qui parvient, à force de travail, à tomber juste ("sauf pour La Soupe aux choux, où je n’avais pas de références !"), tout en étant conscient du petit plus qui fait son talent. Un plus peaufiné au théâtre. Un crime au paradis a d’ailleurs beaucoup de l’écriture théâtrale (après les mots de Guitry, Sébastien Japrisot a remanié le texte), ce qui donne une patine très classique à ce film où, seul, Villeret sait aller aux champs…

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