Je veux voir : Veni, vidi
Cinéma

Je veux voir : Veni, vidi

Pour Je veux voir, Catherine Deneuve se lance dans un road movie mutique au Sud Liban. Le chaos, derrière les vitres.

Je veux voir, dit Catherine Deneuve, le regard déjà au loin, bien au-delà des vitres de son hôtel de luxe, en plein Beyrouth. "Tu veux voir quoi? Il n’y a rien à voir." Elle insiste: "Je veux voir." Il faudra donc qu’elle voie, les cicatrices de la guerre, l’enfer d’avant la fin des bombes, ce qu’il reste d’un conflit dont seules les images télévisées sont parvenues jusqu’à nous: des pierres.

On ne dit pas non à Catherine Deneuve. De cette prémisse Joana Hadjithomas et Khalil Joreige tirent le point de départ de leur film Je veux voir. C’est grâce à elle que les deux réalisateurs libanais ont obtenu les autorisations nécessaires au tournage, dans les ruines des quartiers Sud de Beyrouth, et au Sud Liban, frappé de plein fouet par les tirs croisés du Hamas et de l’aviation israélienne. Grâce à elle aussi que le dispositif prend place, comme une évidence, Catherine Deneuve brisant, de par sa simple présence iconique, la frontière entre le réel et l’oeuvre cinématographique.

Hybride, Je veux voir n’est ni fiction ni documentaire. Forcés de cohabiter dans l’espace réduit de leur voiture pour des raisons de sécurité, obligés au dialogue, Catherine Deneuve et Rabih Mroué, acteur libanais originaire du Sud Liban, partagent surtout les silences. Dans ce qu’il faut bien qualifier de road movie, il raconte son enfance, la maison de sa grand-mère, détruite par les bombardements; elle s’accroche à son sac, et lui rappelle obstinément de mettre sa ceinture de sécurité. Malaises.

Dehors, derrière les vitres, les immeubles éventrés, l’immensité sublime des collines du Sud Liban. Plus tard, la mer, rouge des pierres de Beyrouth qu’on broie avant de les enfouir, filmée de manière hypnotique par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. L’espace clos de la voiture perd peu à peu de son hermétisme et Catherine Deneuve, de sa distance. Jusqu’au final, où l’actrice, perdue au milieu d’un gala guindé de bienfaisance, cherche désespérément à croiser du regard son compagnon de voyage. Veni, vici.

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