65e Festival de Cannes : De l'amour du style et du cinéma
Cannes 2012

65e Festival de Cannes : De l’amour du style et du cinéma

Si Amour de Michael Haneke mérite tout à fait la Palme d’or du 65e Festival de Cannes, certains choix de Nanni Moretti et Cie laissent perplexe.

Dimanche dernier, le président Nanni Moretti et son distingué jury ont remis leurs prix, sacrant sans surprise le drame gériatrique Amour de Michael Haneke, grand favori de cette compétition en dents de scie où, selon le cinéaste italien, "les cinéastes m’ont semblé plus amoureux de leur style que de leurs personnages".

En recevant la Palme d’or trois ans après Le ruban blanc, le grand réalisateur autrichien rejoint les Coppola, August, Imamura, Kusturica et les frères Dardenne dans le club sélect des doublement palmés d’or. Dans son discours, Moretti a souligné la "contribution fondamentale" des magnifiques Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, qui brillent avec une incroyable retenue dans ce huis clos sans esbroufe ni pathos, d’une précision chirurgicale, qui séduit et bouleverse par sa vision d’une cruelle lucidité de l’âge d’or.

Le règlement stipulant qu’un film récipiendaire de la Palme d’or, du Grand Prix ou du Prix de la mise en scène ne peut récolter d’autres honneurs, le Prix d’interprétation masculine est ainsi allé à Mads Mikkelsen, déchirant dans La chasse de Thomas Vinterberg, qui a par ailleurs reçu le Prix oecuménique, où il incarne un homme injustement accusé de harcèlement sexuel.

L’un des grands gagnants de cette 65e édition demeure Au-delà des collines de Cristian Mungiu. De fait, en plus de voir ses deux actrices, Cosmina Stratan et Cristina Flutur, couronnées du Prix d’interprétation féminine, ce drame lent, austère et glacial s’intéressant au destin malheureux de deux femmes prisonnières d’un monde où règnent l’abus de pouvoir, l’incompréhension et l’injustice a remporté le Prix du scénario.

Sans doute le choix le plus contestable du palmarès, le Prix de la mise en scène a été attribué à Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas, dont les images, d’une grande beauté au demeurant, sont vues à travers un prisme qui en déforme les contours, ce qui provoque l’agacement du spectateur. Mentionnons que le jury n’a accordé aucun prix à l’unanimité.

Si l’on peut trouver rafraîchissant de voir deux comédies primées cette année, on aurait presque envie de crier au scandale que celles-ci remportent le Grand Prix et le Prix du jury, lesquels saluent habituellement des films originaux et audacieux. On ne peut pas dire que ce soit le cas de Reality de Matteo Garrone, amusante charge satirique contre la téléréalité que l’on aurait souhaitée plus mordante, ni de la charmante comédie sociale de Ken Loach The Angels’ Share, qui revisite en mode mineur le terreau de Sweet Sixteen.

Côté courts, le Turc L. Rezan Yesilbas a mis la main sur la Palme d’or du court grâce à son beau drame carcéral Silencieux, tandis que la Québécoise Chloé Robichaud a reçu un accueil très chaleureux pour son irrésistible Chef de meute.

Ailleurs sur la Croisette

Même si certains films de la compétition étaient en deçà de son Laurence Anyways, rien ne prouve que Xavier Dolan se serait retrouvé au palmarès. D’être salué par la Queer Palm, remise à un film offrant une image favorable de la communauté LGBT, et de voir Suzanne Clément recevoir un prix d’interprétation du jury Un certain regard ont sans doute permis au jeune réalisateur ambitieux d’oublier quelque temps sa rancoeur. Pour la première fois, la Queer Palm a aussi été décernée à un court métrage, Ce n’est pas un film de cow-boy de Benjamin Parent (Semaine de la critique).

Le jury d’Un certain regard a aussi décerné un Prix d’interprétation à Emilie Dequenne, excellente dans À perdre la raison de Joachim Lafosse, une Mention spéciale à Djeca de la réalisatrice bosniaque Aida Begic, le Prix spécial du jury au Grand soir de Gustave Kervern et Benoît Delépine et le prix Un certain regard à Despues de Lucia du Mexicain Michel Franco.

Le film ayant raflé le plus de prix, toutes sélections confondues, est Beasts of the Southern Wild de Benh Zeitlin (Un certain regard): Prix de la FIPRESCI (aussi décerné à Dans la brume de Sergei Loznitsa, en compétition, et à Rengaine de Rachid Djaïdani, Quinzaine des réalisateurs); prix Regard jeune (pour un premier ou deuxième film); et Mention spéciale du jury oecuménique.

Alors que certains critiques lui octroyaient la Palme d’or, l’éclaté Holy Motors de Leos Carax a dû se contenter du Prix de la jeunesse. Enfin, sur une note légère, Banjo et Poppy de Sightseers de Ben Wheatley (Quinzaine des réalisateurs) sont devenus les lauréats de la Palm Dog, tandis que Billy Bob a mis la patte sur le Prix spécial du jury pour sa prestation dans Le grand soir de Kervern et Delépine.