Fantasia / Sweet poolside : Cachez ces poils que je ne saurais voir
Fantasia 2014

Fantasia / Sweet poolside : Cachez ces poils que je ne saurais voir

Fantasia offre chaque année une rare occasion de suivre le cinéma japonais contemporain. Que le festival en soit remercié: le plus récent film de Daigo Matsui, Sweet poolside, est l’un des films les plus délicats et les plus inusités sur l’adolescence qui soient arrivés jusqu’à nous ces dernières années.

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C’était d’abord un manga d’Oshimi Shuzo, à la tonalité plus comique que ce film au rythme lent mais agréable, qui sait aménager des silences et des non-dits comme il sait faire surgir des sursauts d’émotivité.

Partant d’un motif à priori banal –le poil-, le film raconte l’apprivoisement de soi et l’éveil amoureux et sensuel de deux adolescents décontenancés par leur puberté tardive ou précoce. Toshihiko a 16 ans, un visage encore enfantin et, catastrophe, son poil pubien tarde à se manifester, ce qui lui fout une angoisse terrible et lui vaut les moqueries de ses camarades de vestiaire à la piscine. Faisant partie du même club de natation, la belle Ayako vit la situation contraire: tourmentée par une pilosité trop abondante qui bouscule les codes de la féminité, elle masque son corps de toutes les manières possibles et cache derrière son visage angélique une timidité maladive. Peu à peu, ces deux-là développeront une relation tendre en se voyant secrètement pour des séances de rasage qui provoquent chez Toshihiko une obsession du corps d’Ayako mais également une phobie du poil qui le mènera à de surprenantes extrémités. Délesté de sa pilosité, la jeune fille s’épanouira et osera flirter avec son entraîneur légèrement plus âgé. Jusqu’à une hécatombe par soir de pluie.

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La réalisation très attentionnée de Daigo Matsui se met au diapason de l’état d’esprit adolescent, flirtant autant avec la langueur et les discrètes maladresses de la puberté qu’avec le violent éveil des sensations et les explosions sentimentales. Vu d’un œil occidental, cette capacité à capter les contrastes de l’émotion est également éloquente dans une perspective anthropologique. On reconnaît des traits de caractère très japonais dans le mélange savamment dosé de retenue et d’intensité qui définit le comportement des jeunes personnages, sans jamais que n’y soit perçu une simple caricature. Car malgré un attrait pour les extrêmes et malgré un jeu hyper-démonstratif dans les scènes les plus dramatiques, la direction d’acteurs est fort nuancée. Les jeunes Kenta Suga et Yuiko Kariya y brillent de tous leurs feux.

Outre sa capacité à filmer de manière très sensible une jeunesse vécue dans la gêne et dans l’inconfort, mais aussi dans une forte pression sociale, la direction photo de Shioya Hiroki poétise le corps en mutation et les frissons qui le parcourent au contact de l’autre sexe. Les scènes de rasage, où Toshihiko glisse délicatement une lame sur la jambe ou sous les bras de sa belle Ayako, font office de rituel sensuel qui prend une dimension mythique à force de ralentis et de gros plans, dont les effets cinématographiques sont très puissants et très sensoriels.

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S’il y a un certain manque de subtilité dans les métaphores visuelles qui interrompent ces séquences, montrant le garçon en train de se tisser un chemin dans une sorte de forêt interdite, elles ne sont pas trop insistantes et s’insèrent au montage dans une belle fluidité. Accompagnées de narrations qui donnent à entendre les pensées concupiscentes de l’adolescent, elles permettent de mesurer l’excitation qui le gagne et de constater le fossé entre son comportement apparent, très retenu et poli, et les profonds bouleversements intérieurs qui l’agitent, le plongeant dans une aventure hautement sensuelle.

Ne négligeant pas le rapport qu’entretiennent ces jeunes pubères avec leur famille, le scénario aménage quelques moments touchants entre Toshihiki et son frère aîné, qui se veut rassurant mais dont les interventions ne réussiront ni à calmer l’ardeur du benjamin, ni à diminuer son angoisse. De manière assez comique, le film saupoudre aussi un peu partout des conversations anodines ou des traits d’esprit au sujet du poil et du rapport d’amour-haine qu’il ne cesse d’entretenir chez nous.

Film présenté en japonais avec surtitres anglais

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Sweet poolside est présenté le 25 juillet à 21h30 au Théâtre DB Clarke, dans le cadre du festival Fantasia