Voir au Festival international du film de Toronto : Des films de Mia Hansen-Løve, Jon Stewart et Abd Al Malik à surveiller
Cinéma

Voir au Festival international du film de Toronto : Des films de Mia Hansen-Løve, Jon Stewart et Abd Al Malik à surveiller

Outre les canons américains et les films canadiens très médiatisés, le festival de Toronto permet de partir à la pêche des longs métrages à surveiller au cours des prochains mois. Voici trois de nos belles découvertes, dont les sorties en salles au Québec sont encore incertaines ou non-annoncées, mais que l’on vous souhaite de voir sans délais.

Eden

Au moyen d’une caméra ardente et rythmée, la réalisatrice Mia Hansen-Løve capte l’évolution d’une partie de la scène électro française de la fin des années 1990 et du début des années 2000, plus particulièrement la scène Garage, qui alliait house et disco. Alors que les raves connaissaient leur paroxysme (et bientôt leur  passage dans la culture de masse puis leur déclin),  le film suit un groupe de jeunes Parisiens passionnés par la fête et la musique. C’est ainsi l’état d’esprit de toute une génération qui est portraituré, avec tous ses paradoxes. On a là une jeunesse portée par des idéaux pacifiques et des utopies au parfum peace & love mais vivant bel et bien dans un monde individualiste dont ils ne cherchent pas particulièrement à contester les fondements. Rares sont les films qui sont arrivés à si bien camper ces contradictions et à souligner, avec réalisme et avec beaucoup de perspective, l’importance de ce mouvement que, trop souvent, on réduit à l’expression d’une marginalité négligeable. Il y avait pourtant derrière ces nuits interminables et intoxiquées une vision du monde, que cette œuvre dépeint avec beaucoup d’à-propos, sans non plus en faire l’apologie complète.

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Rosewater

En 2009, soupçonné d’espionnage, le journaliste canadien-iranien Maziar Bahari a été emprisonné et brutalisé pendant 118 jours dans une prison de Téhéran par les membres de la garde révolutionnaire d’Ahmedinajad. De quoi était-il vraiment coupable? D’avoir participé à un sketch humoristique du Jon Stewart Daily Show dans lequel il a tenu des propos qui ont déplu aux autorités iraniennes. Après le livre And then they came for me, dans lequel le journaliste raconte son histoire, Jon Stewart lui-même prend la caméra pour en faire un film, son premier effort de réalisateur. Le résultat est un long métrage engagé qui dénonce l’incarcération abusive et montre, dans un premier temps, la lutte de la jeunessse iranienne pour la démocratie, avant de resserrer son regard sur le journaliste et sur son arrière-plan familial houleux (qui offre une occasion de parcourir de vastes pans d’histoire iranienne en plus d’épaissir la psychologie du personnage). Ne pouvant s’empêcher de glisser un peu d’humour dans une intrigue aussi sérieuse, le réalisateur néophyte mélange plus ou moins habilement les genres mais s’en sort tout de même honorablement. Dans le rôle de Maziar Bahari, l’adonis mexicain Gaël Garcia Bernal est brillant (et ainsi fidèle à lui-même).

 

 
 

Qu’Allah bénisse la France

On le connaissait comme rappeur pacifique, épris de spiritualité et de tolérance dans ses textes poétiques lancés sous forme de rap parlé. Puis il a lancé en 2004 un livre autobiographique, duquel est tiré ce premier film, Qu’Allah bénisse la France. Abd Al Malik se révèle plutôt doué comme cinéaste dans ce long métrage tourné en noir et blanc dans la banlieue de Strasbourg où il a grandi et dans lequel jouent de jeunes acteurs issus de cette même cité (tous criants de vérité). Évidemment rythmé par la musique, le montage hyper-fluide en fait un film captivant et touchant, dans lequel le rap sert de chambre d’écho à un récit de persistance et de combativité. Le jeune Régis, devenu Abd Al Malik au moment où il se convertit à l’islam et entame une carrière solo, y fait son chemin dans les rues bagarreuses où il passera par des épisodes de deal de drogue sans toutefois négliger un parcours scolaire sans fausses notes. Surdoué charismatique au tempérament bouillant, Abd Al Malik raconte son histoire par des images soignées qui reconstituent précisément l’atmosphère du quartier où s’est développé son art et sa personnalité. C’est aussi un film sur le langage, sa puissance d’évocation poétique mais aussi les tournures étonnantes qu’il prend dans les bouches de ces ados épris de verlan et passionnés par la rythmique.