Festival Vues d'Afrique : L'Oeil du cyclone, ou l'abandon des enfants-soldats
Cinéma

Festival Vues d’Afrique : L’Oeil du cyclone, ou l’abandon des enfants-soldats

Le festival Vues d’Afrique 2015 s’ouvre avec L’œil du cyclone, ambitieux film burkinabé de Sékou Traoré, qui orchestre la rencontre entre une avocate et un chef rebelle, dévoilant par petites touches un douloureux passé d’enfant-soldat et dénonçant une société incapable de réintégrer ses enfants brisés par la guerre.

Élevée dans la ouate, sa famille ayant réussi à fuir la guerre, la brillante avocate incarnée avec aplomb par Maïmouna N’Diaye sera graduellement confrontée, comme elle ne l’a jamais été, au passé trouble du pays. Nous sommes peut-être au Burkina Faso mais peut-être aussi au Rwanda ou au Mali – l’Afrique dépeinte ici par le réalisateur Sékou Traoré est volontairement imprécise pour correspondre à la réalité de nombreux pays dont l’histoire est définie par de sanglants et déchirants conflits civils et par une corruption qui étend ses tentacules dans toutes les sphères de la société. Le combat pour défendre le traumatisé Blackshouam mènera en effet l’avocate dans les sillons de la collusion des hautes autorités du pays, qui font du trafic de diamants.

Amenée à défendre un chef rebelle accusé de très sérieux crimes de guerre (Fargass Assandé), l’avocate usera de doigté pour faire parler son client, à priori brutal, mais dont le passé d’enfant-soldat se révèlera apte à la convaincre de s’engager dans une impossible quête de justice. A la défense des enfants-soldats dont la douleur ne saurait être apaisée, l’avocate constate des enfances brisées qui plongent le pays dans une douleur continuelle à mesure qu’ils grandissent et perpétuent les cycles de la violence.
 

 
Le film plonge dans cette thématique en évitant tout moralisme, cultivant la nuance et le détail, même quand la psychologie des personnages se présente sous des dehors un peu cliché, à travers l’exploration des blessures d’enfance des protagonistes.

Constamment tendu entre l’horreur de la guerre et la beauté d’une population résiliente, le long métrage montre avec tendresse une Afrique en douleur mais traversée de fraternité.

Un film d’actualité, qui pose puissamment la question du devenir des enfants-soldats.

 

À voir ce soir en ouverture du festival Vues d’Afrique, au Cinéma Impérial
Autre projection : le 2 mai à 18h et le 3 mai à 12h15 à la Cinémathèque québécoise

 

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Également au programme du festival

 

La sélection des films se décline en plusieurs sections.

D’abord, dans le volet international de fiction, on retrouve Danbé, la tête haute, qui aborde le thème de la dignité dans laquelle une mère élève sa fille à Paris à la suite de la disparition de son père et de sa soeur, puisMörbayassa (Le serment de Koumba) de Cheick F. Camara, qui retrace le parcours d’une mère à la recherche, en France, de sa fille qu’elle a abandonnée à sa naissance, ainsi que L’oeil du cyclone de Sékou Traoré qui s’intéresse à la relation complexe entre un prisonnier accusé de crimes de guerre et son avocate commise d’office. Ce dernier film sera d’ailleurs présenté lors de la soirée inaugurale le mercredi 29 avril 2015 à 18h au cinéma Impérial.

Dans la section Afrique Connexion, les cinéphiles pourront découvrir L’amour en bonus de  Jacques Trabi qui traite de l’histoire du destin de deux jeunes filles qui partent pour Yamoussoukro pour leur fête d’anniversaire en plus de Imbabazi (Le pardon) de Joël Karekezi présentera, un long métrage de fiction sur la période post-génocide au Rwanda.

En matière de documentaires, les festivaliers seront également servis. Sonia Rolland accompagnera son documentaire Rwanda, du chaos au miracle, dans lequel elle parle à la première personne de son pays natal. Elle recevra par ailleurs, l’hommage du Conseil International des Radios et Télévisions d’Expression Française. Aliaa, la révolutionnaire nue de Pierre Toury, sur l’histoire d’une blogueuse obligée de fuir son pays à la suite de la publication de photos d’elle-même nue comme protestation de l’hypocrisie autour des corps des femmes arabes, fait aussi partie de la programmation de cette section.

En hommage à deux auteurs disparus dans l’année, deux films seront projetés : Le dur désir de dire d’Alain d’Aix qui retrace le parcours du cinéaste René Vautier (Avoir vingt-ans dans les Aures) et Ritorni (Retour au bled) de Giovanna Taviani qui fait trois portraits, dont celui de l’écrivaine Assia Djebar, membre de l’Académie française.

Twaaga de Cédric Ido a, quant à lui, été choisi pour clore les festivités. Le film propose une allégorie sur les pouvoirs de superhéros dans laquelle un jeune burkinabe se prend pour un avatar de Sankara et de Batman. La projection aura lieu le dimanche 3 mai à 20h15.