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Décision du conseil de presse: Publication d’une décision me concernant

Montréal le 11 octobre 2013

Monsieur Guy Amyot
Secrétaire général
Conseil de presse du Québec
Dossier 2013-02-077

Sylvain Boucher c. Nicola Mavrikakis, chroniqueur et Voir (Simon Jodoin, rédacteur en chef)

Cher monsieur Amyot,

J’ai bien reçu la décision du Conseil de presse que vous m’avez envoyée, concernant le dossier D2013-02-077. Comme cette plainte a été retenue et que j’ai été jugé coupable, j’ai le devoir moral de publier votre décision, ce que je m’empresse de faire ici. Les éventuels lecteurs de la présente pourront donc consulter votre décision et les motifs de la plainte en cliquant sur le lien suivant.

http://conseildepresse.qc.ca/decisions/d2013-02-077/

Je rappelle les faits. Nicolas Mavrikakis, spécialiste en arts visuels qui était au cours des dernières années pigiste et blogueur pour Voir, a publié sur son blogue le 29 octobre 2012 un billet qui se lisait ainsi :

«Mes lecteurs ne m’en voudront certainement pas si je me permets de signaler un événement auquel je participe activement.

Mathieu Lefèvre est mort écrasé par un camion, il y a tout juste un an, le 19 octobre 2011, à Brooklyn, en pleine nuit alors qu’il venait de quitter son atelier. Il avait 30 ans. Pour que nous nous remémorions cet artiste que j’avais invité en tant que commissaire dans plusieurs de mes expositions, pour que nous souvenions de ce créateur qui avait un immense talent et qui était aussi un ami, j’ai proposé àla Galerie Divisionde monter et d’installer un petit hommage de dix œuvres (que j’ai moi-même sélectionnées dans leur collection). On y retrouvera l’humour corrosif et l’intelligence de Mathieu dont nous nous ennuyons tant. Il faudra un jour faire beaucoup plus, montrer l’ampleur de son œuvre, et écrire sur celle celle-ci plus en détail.

Jusqu’au 10 novembre. Galerie Division»

Un autre blogueur amateur d’arts visuels, Sylvain Boucher, qui anime le site «le vadrouilleur urbain» a donc porté plainte auprès de votre organisme pour apparence de conflit d’intérêt. Selon lui, mon collègue Nicolas Mavrikakis n’aurait pas dû parler sur son blogue de cet événement auquel il prenait part.  Il était aussi allégué que comme Nicolas Mavrikakis a déjà exposé à la galerie Joyce Yahouda, il devrait aussi s’abstenir de parler des événements se déroulant dans cette galerie, comme il a pu le faire à quelques occasions dans son blogue ou dans notre journal.

Je vous ai pour ma part répondu que j’étais parfaitement au courant des multiples activités de Nicolas Mavrikakis et que personnellement je n’avais aucun problème avec le billet de blogue dénoncé. Nicolas demeure pour moi une référence et c’est pour cette raison que je l’invitais à s’exprimer librement sur un blogue hébergé sur voir.ca. Qui plus est, dans ce cas précis, il avait rédigé son billet en toute transparence, parlant d’un ami décédé à qui il souhaitait rendre hommage. Je serais bien mal placé pour interdire quoi que ce soit en ces matières. J’ai moi-même placé l’an dernier en une du Voir mon ami Claude Robinson, que j’ai aussi aidé dans sa lutte, pour raconter son histoire… Un choix que j’assume entièrement, comme le choix de laisser un blogueur faire de même dans un domaine qui le concerne.

En somme, loin de l’apparence de conflit d’intérêt, ce genre d’article donne plutôt dans la déclaration d’intérêt manifeste! Tout est clair, limpide, sans équivoque: «Voici qui je suis, ce que je fais, voilà mon ami, je veux vous en parler». Il faut être assez tordu pour y voir de «l’apparence». Je vois mal qui pourrait être berné.

Enfin, trêve de récit, le Conseil de presse s’est rangé du côté du plaignant. Ainsi va la vie.

Je n’irai pas en appel de cette décision. Certes, elle me semble être à l’absurde ce que l’Everest est à la topographie, mais ce n’est pas pour cette raison que je ne donnerai pas suite à ce dossier qui me concerne dans les filières de l’organisme que vous représentez.

Je vous explique plus précisément ce qui motive mon abandon dans cette affaire.

Comme vous le savez, au printemps dernier, un chroniqueur de La Presse signait à mon sujet une chronique assez virulente, me reprochant diverses pratiques qu’il jugeait honteuses pour une entreprise médiatique. Un article que vous avez lu puisque le magazine mis en ligne par votre organisme, le « Magazine du Conseil de presse » en a fait mention le 11 juin 2013 dans sa revue de presse, comme en témoigne l’image suivante.

Comme vous le voyez, le magazine en ligne de votre organisme, en référençant un article d’un concurrent où j’étais sévèrement attaqué, a cru bon de l’affubler d’un titre: «Les marchands du temple». Cette expression ne se trouve nulle part dans l’article référencé. Elle a été ajoutée par votre organisme. Elle est tout bonnement le fruit d’une prise de position du média que vous êtes.

Autrement dit, et je crois que vous le comprenez très bien, en publiant et commentant quotidiennement une revue de presse au sein d’un magazine en ligne, l’organisme que vous représentez n’est ni plus ni moins qu’un éditeur qui fait un choix éditorial, notamment en apposant des titres porteurs d’une opinion à des articles sélectionnés.

Que dit ce titre ici? Que le Voir est un marchand du temple. Humble théologien que je suis, je comprends ce que ça signifie. Nous occuperions une place indue dans un temple, un espace sacré, duquel nous devrions être chassés. Vous comprenez comme moi que ce titre, choisi par vos critères éditoriaux, porte un jugement sévère contre moi et le média pour lequel je travaille.

Plus encore –et c’est important- ce choix éditorial a été fait par votre équipe alors qu’au moins une plainte me concernant était en processus d’évaluation par votre comité.

Vous comprendrez donc qu’il m’est désormais impossible d’en appeler de votre décision en ce qui concerne cette plainte en particulier, ou même de porter attention à toute autre à venir qui pourrait me concerner dans le futur. Dans la mesure où le Conseil de presse est désormais un éditeur qui dans son traitement éditorial choisit de commenter mon travail et les articles de presse me concernant personnellement et professionnellement, il m’est assez difficile de le considérer comme une instance apte à juger mes propres choix éditoriaux. En clair, vous êtes un autre média qui émet des opinions sur le monde des médias.

Vous comprenez qu’une telle posture ne peut être celle d’un tribunal qui pourrait juger de l’honneur des uns et des autres.

Je suis certain que vous comprendrez ma position. Eh oui, nous en sommes là. Tout le monde, ou presque –en tout cas vous, manifestement- est un média.

En tout respect et très sincèrement

Simon Jodoin
Rédacteur en chef
Communications Voir.