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Marc Cassivi et les néonazis

Il y a des soirs, comme ça, dans la vie du chroniqueur moyen, où on se demande s’il faut répondre à toutes les attaques qu’on peut recevoir. J’enseigne ça, parfois, à des plus jeunes.

– Simon! Il faut réagir!!!

– Pourquoi?

– Mais on ne va pas se laisser rouler dans la bouette comme ça!?!?

– Ah non? Pourquoi?

Et je leur raconte le jeu des médias sociaux, où nous avons un «bonhomme» comme dans les jeux vidéo, les points de «like», les points de «followers», des méchants à combattre, des tableaux où il faut battre le «boss».

– Tu crois vraiment que c’est important les 22 autres bonhommes (ou est-ce 87?) qui jouent au même jeu que toi? Débranche-toi, va prendre une marche. Tu verras, ça va passer… Dès que tu ne rigoles plus, débranche-toi… Parce que c’est un jeu… Rappelle-toi que dans la vraie vie, tu n’as pas deux vies. Celle que tu uses s’use pour vrai.

Je me demande toujours un peu. Je prends le temps. Encore plus quand il s’agit de perpétuer une partie de ballon chasseur contre un chroniqueur avec qui la partie semble éternelle… À quoi bon? La vaste majorité des humains s’en contre-torvissent (et c’est tant mieux)… Et finalement, parfois, oui, ça vaut la peine de sortir sa manette de jeu média-machin-like-pour-tuer-les-méchants.

Je lisais à cet égard une chronique ahurissante de Marc Cassivi publiée dans La Presse la semaine dernière. Un vrai labyrinthe de mauvaise foi où le lecteur est invité à faire un lien entre Rob Ford, Sun News, votre humble serviteur et une poignée d’électrons libres du web qui prennent part au projet trouble.voir.ca dont vous avez entendu parler si vous fréquentez la petite planète web depuis quelques semaines.

Je me demande toujours, donc. Répondre, vraiment? Emprunter les sentiers sinueux que nous imposent les autres joueurs qui ont une épée puissance +4 dans les sentiers du retweet? Pourquoi?

Pour répondre, simplement, à de la diffamation pure et simple. Parce que ça, c’est plus qu’un jeu. C’est de la saloperie.

Je cite Marc Cassivi dans la chronique dont je vous parlais.

« Pourquoi mourir dans la dignité quand on peut mourir dans la honte? Il faudrait poser la question au rédacteur en chef de Voir qui, paradoxalement – il en a fait la preuve à maintes reprises -, méprise les médias. Il prétend que parce que ces blogueurs amateurs sont populaires, et qu’ils attirent sur Facebook 50 000 ou 80 000 amateurs d’outrances avec leurs inepties, ils méritent notre attention.

C’est une lumineuse découverte. Si cette chronique traitait de potins scabreux de vedettes québécoises, elle serait aussi très populaire. Même sans être publiée dans La Presse. Il existe des blogueurs néonazis avec des dizaines de milliers d’admirateurs sur le web. Peut-être que Voir pourrait aussi les recruter?»

Je résume. Ainsi, selon Marc Cassivi, ces «blogueurs amateurs», comme tout le monde les nomme sauf moi, seraient comparables à des néonazis?

Mieux encore. Toute personne qui explore de nouveaux lectorats et de nouveaux formats pourrait aussi bien, selon ce gentleman, s’intéresser aux néonazis?

Marc Cassivi sait-il de quoi il parle? Ce sont des insinuations graves. Des néonazis? Vraiment? Des gens qui donnent de la botte en cuir dans la gueule des ethnies? Qui tuent pour vrai parfois ou qui tabassent réellement trop souvent? Des machines à haine qui jouent de la banlieue en quête de bronzés à buter? Marc Cassivi veut faire un rapprochement entre ces fêlés du crâne rasé et moi et quelques «blogueurs amateurs»? Est-il en train de dire que ces comparses du trouble.voir.ca sont comparables, de près ou de loin, à ces adeptes des coups de pieds dans la race?

Mais punaise! On s’en va où au juste? Est-ce que la compétition médiatique peut justifier toutes les niaiseries qui peuvent être dites au nom d’un idéal de pureté éditoriale pour salir un interlocuteur? Est-ce que l’ego 2.0 d’un chroniqueur justifie de laver le plancher avec ses mots?

Il y a une limite à brandir l’argument reductio ad neonazium en toute impunité au nom du bon goût et de la rectitude journalistique. Jusqu’où peut-on se gargariser dans le n’importe quoi?

Parlons de ces agents troubles à qui j’ai ouvert la porte depuis quelques semaines.

Parlons du pire, tiens… Gab Roy donnait l’été dernier un spectacle dans le cadre de la plus récente édition du Zoofest. Nathalie Collard, de La Presse le présentait à cette occasion comme un «Humoriste, blogueur, vlogueur et commentateur à ses heures» en mentionnant ses 50 000 abonnés Facebook et ses 800 000 visiteurs sur son site web.

Question : Pourquoi, lorsque Nathalie Collard s’intéresse à Gab Roy, il est question d’un nouveau phénomène culturel qui mérite notre attention mais que lorsque Marc Cassivi parle de la même personne prenant part à un projet au Voir plus tard dans la même année, il ne vaut guère mieux qu’un néo-nazi?

Ce n’est pas tout. Ce même Gab Roy prenait par ailleurs part à un très bon projet interactif de l’ONF plus tôt cette année portant sur les mythes 2.0. Il y était présenté comme un «influenceur» (un mot qui m’a toujours fait rire, mais bon) qui participe au déploiement d’un nouvel écosystème culturel qu’on qualifiait alors de mythologie.

Question : Pourquoi, lorsqu’il est présenté dans le cadre d’un projet de l’ONF, Gab Roy est-il un maillon d’une nouvelle culture web mais que lorsque Marc Cassivi parle de la même personne prenant part à un projet au Voir, il ne vaut guère mieux qu’un néonazi?

Laissons Gab Roy un instant et parlons d’autres joueurs qui prennent part à ce projet. J’en prends un au hasard, parce que je l’aime bien. Mathieu Saint-Onge m’étonnait la semaine dernière, en parlant de sa dépendance à la pornographie pendant 30 minutes devant sa caméra. Un format qui brise toutes les conventions du web en bousculant humblement un tabou. Ce même Mathieu Saint-Onge était invité dernièrement à l’émission Deux hommes en or à Télé-Québec pour parler de ses toiles en compagnie de Patrick Lagacé et Jean-Philippe Wauthier.

Question (vous me voyez venir hein?) : Pourquoi, lorsqu’il est invité à cette émission de télévision, Math Saint-Onge est-il qualifié de «Picasso 2.0» mais que lorsque Marc Cassivi parle de la même personne prenant part à un projet au Voir, il ne vaut guère mieux qu’un néonazi?

Un autre? Allez, un dernier…! Prenons Murphy Cooper, un vieux de la vieille du 2.0 avant le 2.0. Ce chroniqueur et travailleur du web a multiplié les projets alternatifs depuis quelques années. Il était d’ailleurs invité à La Sphère à Radio-Canada pour parler du web du divertissement. Un domaine qu’il connaît bien pour l’avoir creusé dans ses moindres recoins.

Question (ok, vous me voyez venir comme un train…) : Pourquoi, Murphy Cooper est-il un travailleur et un créateur du web acharné et respecté depuis 10 ans, assez pour être invité à discuter avec ses collègues des médias, mais que lorsque Marc Cassivi parle de la même personne qui prend part à un projet au Voir, il ne vaut guère mieux qu’un néonazi?

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Je n’ai pas de réponse à toutes ces questions.

Je sais simplement qu’un illustre chroniqueur de La Presse voudrait me donner des leçons de rectitude médiatique et de bon goût sans trop savoir de qui et à qui il parle tout en jouant de la nazification comme premier argument.

Allez Marc. Je te comprends au fond… Tu as faim et il y a de la viande sur l’os que tu voudrais ronger. Seulement, ta laisse est trop courte pour l’atteindre. Un jour peut-être…

Ronge ta laisse, en attendant.