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Question à Philippe Couillard: quelle différence faites-vous entre un tchador et un hijab?

La même question s’adresse aussi à François Legault et à  Françoise David.

Le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, a donc désavoué son député Marc Tanguay, responsable du dossier laïcité, et affirmé qu’il exclura de son parti toute candidate qui chercherait à se faire élire en portant le tchador. Marc Tanguay, qui avait déclaré être « tout-à-fait à l’aise » avec l’idée de côtoyer des élues vêtues du tchador noir iranien, n’avait pourtant qu’exprimé une opinion en conformité avec la position du Parti libéral: le seul vêtement devant être interdit aux employés de l’État est le voile intégral qui cache le visage. Cette position a été maintes fois répétée par Philippe Couillard. Et le tchador ne cache pas le visage.

Alors, M. Couillard, quelle différence faites-vous entre le tchador et le hijab? Quelle différence faites-vous entre ce ceci…                                    … et ceci?

tchador2           hijab2

Quelle différence faites-vous entre ce tchador de Téhéran (à gauche) et ces combinés manteaux et hijabs (à droite et ci-contre) qu’on voit de plus en plus souvent dans les rues de Montréal et dans certains milieux de travail?

viole, coran

 

 

 

 

 

Outre la couleur, la seule différence est que, dans le cas du tchador, le voile et le manteau sont d’une seule pièce alors que, dans le cas du hijab, il s’agit de deux pièces. Toutes les raisons qui vous portent à refuser le tchador valent aussi contre le hijab, ou toutes les raisons qui vous amènent à accepter le hijab devraient aussi vous amener à accepter le tchador.

Faudra-t-il mesurer la longueur et la confection du voile et établir une charte des couleurs?  Tous ceux qui ont fait gorges chaudes des illustrations accompagnant le document de Bernard Drainville devront reconnaître que les arguments satiriques sur la dimension des signes ostentatoires doivent aussi être servis tout autant au Parti libéral qu’à la Coalition Avenir Québec. Le chef de ce dernier parti, François Legault , a en effet affirmé qu’il refuserait une candidate portant le tchador seulement si elle était contre le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. Préparez-vous, M. Legault, à voir arriver dans votre parti une candidate vêtue du tchador et qui se dira d’accord avec le principe d’égalité entre hommes et femmes. C’est plus qu’une hypothèse.

Dans sa récente sortie contre son collègue Marc Tanguay,  la députée Fatima Houda-Pépin  déclarait ce qui suit: «Quand on connaît la signification du tchador et de sa variante afghane, le tchadri, comment peut-on justifier l’acceptation d’un tel symbole dans ce haut lieu de notre démocratie qu’est l’Assemblée nationale?»

Que ce soit en Iran, en Afghanistan, en Algérie, en Europe ou au Québec, tchador et hijab ont la même signification: contrôle et infériorisation des femmes. Quoiqu’en dise Lysiane Gagnon, ces deux vêtements conçus pour être contraignants symbolisent tous deux l’islamisme politique.

Françoise David et le tchador

Ma question s’adresse également à Françoise David, porte-parole parlementaire de Québec solidaire. De retour d’un voyage en Irak lorsqu’elle était présidente de la Fédération des femmes du Québec, Françoise David déclarait devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international qui examinait l’embargo imposé à l’Irak en 2000:

« On observe aussi un retour aux valeurs religieuses traditionnelles. L’une de nos grandes surprises, à notre arrivée en Irak, a été de constater le grand nombre de femmes couvertes de la tête aux pieds du grand manteau noir qu’on appelle tchador. Pourtant, ce n’était pas pratique courante avant la guerre. On a aussi observé qu’on voyait peu de femmes dans les marchés publics et, en général, dans ce que j’appellerais l’espace public. Il y a donc, de notre point de vue, beaucoup de raisons d’en vouloir à l’embargo. Toutefois, il faut en signaler une de plus, qui est le recul des droits des femmes. »

L’embargo entrainait donc un recul des droits des femmes qui se manifestait entre autres par une augmentation du nombre de tchadors et un retrait des femmes de la vie publique, des éléments associés aux valeurs religieuses traditionnelles.

Si l’augmentation des tchadors va de pair avec un recul des droits des femmes en Irak, expliquez-moi, Mme David, comment le fait d’accepter le hijab (cousin du tchador) dans la fonction publique améliorera les droits des femmes au Québec.

Question subsidiaire: l’autorisation, par le gouvernement islamiste de Turquie, du port du foulard islamique par les employées de l’État et les étudiantes universitaires représente-t-elle une avancée pour les droits démocratiques des femmes en Turquie? Ne sont-elles pas maintenant plus libres qu’avant?

André Pratte et le tchador

Dans ce même savoureux débat sur le tchador, on ne peut passer sous silence  ce qu’écrit  André Pratte sur son blogue.  L’éditorialiste en chef de La Presse nous a depuis longtemps habitué à des propos d’une extrême insipidité, mais il nous montre qu’il est toujours capable de se surpasser dans l’insignifiance:

« Le tchador laisse aussi voir le visage de celle qui le porte, mais il tranche tellement avec les habits occidentaux qu’il nuirait à la communication entre, disons, un employé de l’État et des clients », écrit André Pratte.

Ce n’est donc pas la signification du tchador qui nuit à la communication mais son caractère trop exotique! Et dire que Pratte a fréquemment réduit l’idée d’interdire les vêtements religieux dans la fonction publique au refus de la diversité et traité de xénophobes ceux qui s’opposent aux voiles islamique pour leur signification. Avec sa logique, le tchador pourra donc être accepté dans la fonction publique lorsque nous nous serons habitués à ce vêtement, comme nous sommes en voie de nous habituer au hijab.

Ce n’est pas la seule perle de l’éditorialiste. Puisque le hijab ne couvre pas le visage et est parfois fait de «beaux tissus colorés» qui ne sauraient être «dangereux», le chroniqueur de mode voudrait qu’on en parle comme d’un simple foulard plutôt que d’un voile. C’est Dalila Awada qui va être contente! Un tchador fait d’un «beau tissu» pourrait donc être plus facilement être accepté.

Refuser le tchador parce que trop exotique et accepter les hijabs aux belles couleurs, voilà les balises dont nous avions besoin, M. Pratte. Merci pour ces utiles et profondes réflexions.

 

Voir aussi: Le crucifix de l’Assemblée nationale: une rupture d’avec l’héritage du Parti libéral