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L’émission Enquête sur l’islam radical: du nouveau

De nouveaux faits viennent s’ajouter à toutes les critiques formulées à l’endroit de l’émission Enquête de Radio-Canada devant porter sur l’islam intégriste au Québec et qui s’ajoutent à ce que je rapportais dans mon autre texte sur le sujet.

Deux heures avant la diffusion de l’émission, Johanne Faucher, la journaliste qui a réalisé ce reportage, écrivait ce qui suit sur Twitter pour annoncer l’émission:

«Des medias et des sites web qui nourrisent [sic] la peur envers les musulmans ENQUÊTE maintenant»

Alors que la publicité et le titre de l’émission nous annonçaient une enquête sur «La montée de l’intégrisme» islamique, la journaliste la présentait comme une enquête sur des médias et les sites web qui nourrissent l’islamophobie. Tous ceux qui ont vu cette émission ont bien réalisé que ce reportage n’avait pas livré la marchandise annoncée et que le public a été victime d’un détournement de contenu en se faisant servir un reportage biaisé et bâclé.

Merci, Mme Faucher, de nous confirmer que nous ne nous sommes pas trompés sur l’orientation éditoriale de votre reportage.

Le biais devient encore plus manifeste lorsque l’on prend connaissance des propos tenus par la recherchiste de l’émission, Nadia Zouaoui. Le 29 octobre, celle-ci déclarait sur les ondes de Radio9 (allez à 2:35)

«Il y a six ans, j’ai fait un reportage pour l’émission Enquête sur les mosquées à Montréal et j’ai refait un peu le même travail sept ans après et, je vous dirais que oui, il y a une forme de radicalisation, un retour vers un islam plus salafiste, plus rigoriste, de plus en plus, et c’est partout dans le monde et, je crois qu’il faut se battre contre ça.»

Le 5 novembre, la recherchiste était à nouveau interviewée  sur le sujet (allez à 2:01). Elle revient sur la «montée d’un islam très rigoriste partout dans le monde et ici aussi» et ajoute, concernant son travail :

«cet été, j’ai travaillé sur une autre enquête comme recherchiste et je vous dirais que si j’avais à faire le même reportage… et bien oui, il y a un retour vers un islam dans plusieurs mosquées beaucoup plus rigoriste, beaucoup plus salafiste. En faisant la recherche, il y a des parents qui me disent qu’ils ont même peur d’envoyer leurs enfants apprendre l’arabe ou bien apprendre le Coran les samedis matin.»

(On peut lire une transcription de ces entrevues sur le site Point de bascule.)

Malgré cette recherche-terrain, les journalistes Johanne Faucher et Alain Gravel, qui ont sous-titré leur reportage «à la recherche de la menace intégriste», concluent en disant qu’ils n’ont rien trouvé, sinon des groupes qui alimentent la xénophobie.

La liste s’allonge…

Le plus ironique, c’est que quatre jours après la diffusion de cette pseudo-enquête, La Presse révélait l’existence d’un réseau très actif de financement du terrorisme au Québec et en Ontario qui recueille des fonds sous le couvert d’un organisme de charité et les fait parvenir au Hamas. Cet organisme, l’International Relief Fund for the Afflicted and Needy, a été mis sur la liste des groupes terroristes par le gouvernement.

Le même jour, La Presse rapportait qu’à Montréal seulement le Service de police avait ouvert une centaine de dossiers liés au terrorisme au cours des deux derniers mois.

Une semaine après l’émission, nous apprenions l’arrestation d’un jeune de 15 ans qui s’apprêtait à joindre le djihad. Puis ce fut ce message parvenu du front djihadiste dans lequel un jeune Canadien converti, qui est parvenu à rejoindre le Daech (État islamique) en Syrie, invite ses «frères» à prendre les armes où qu’ils soient.

Plaintes à l’ombudsman

Le reportage d’Enquête était non seulement biaisé, bâclé et trompeur mais a jeté du discrédit sur les groupes militant en faveur de la laïcité en associant leur revendication démocratique à de la xénophobie. Onze de ces groupes, membres du Rassemblement pour la laïcité, ont présenté une plainte à l’ombudsman de Radio-Canada alléguant que:

«le reportage est entaché de mauvaises méthodes d’enquête, de confusion dans les notions abordées, de glissements dans le contenu, de manque de discernement et d’analyse critique et de conclusions non appuyées.

Nous vous demandons de faire enquête afin de déterminer si l’émission en question respecte les Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada, notamment en ce qui concerne les valeurs d’exactitude, d’équité, d’équilibre, d’impartialité, et d’intégrité dont doivent faire preuve les émissions.»

D’autres plaintes pour les mêmes motifs ont également été déposées.