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Arrêter les oléoducs – L’action citoyenne efficace dans la durée

Introduction

Afin de contribuer à La réplique qui se prépare autour de L’objectif stratégique le plus urgent de protéger l’eau potable en empêchant les projets d’oléoducs sur le territoire du Québec, je passe en revue les champs d’action possibles. Après avoir énoncé Les actions possibles – La force, La loi et l’argent, et La persuasion, j’ai dressé une Liste des lobbyistes pro-oléoducs inscrits pour influencer les politiciens à soutenir les projets d’oléoducs. Après une analyse des Atouts et faiblesse de l’action citoyenne, je fais ici des suggestions pour être plus efficace dans une campagne tous azimuts de persuasion.

 

Le temps

Le citoyen ne tire pas de revenu à militer, alors le faire cinq à sept jours par semaine est la meilleure manière de ne rien accomplir de durable, de s’épuiser et de finir en burn out avec grande amertume. Dans un texte que j’ai publié le 13 avril 2013 – Le Parlement contre le peuple d’Islande – j’ai raconté que la conférence donnée à l’Université Concordia par Hörður Torfason, l’homme qui a déclenché la révolution islandaise en 2008. Torfason nous a confié son secret le plus important : l’action citoyenne est un marathon, il faut donc agir de manière à durer, car on ne sait pas combien de temps ça prendra. Du lundi au vendredi, Torfason travaillait pour gagner sa vie et organisait les événements prévus le samedi midi en face du Parlement. Le samedi, il se rendait au Parlement et accomplissait son action à midi : spectacle de musique, discours, casseroles, etc. Ça pouvait durer tout l’après-midi jusqu’à tard dans la soirée. Que ses actions soient terminées ou non (rappelons le concert de casseroles qui a duré quatre jours consécutifs et qui a mené à la chute du gouvernement !), invariablement le dimanche était réservé au repos et à voir sa famille et ses amis. Il préparait plusieurs heures dans la semaine, mais ne posait qu’une action par semaine. Et il protégeait farouchement son dimanche pour se reposer et se ressourcer. C’est un enseignement d’une grande valeur venant de l’homme à l’origine de la révolution islandaise qui a mené à la chute d’un gouvernement et à la rédaction d’une nouvelle constitution.

 

Qui devrait faire quoi

 

Une personne

Une personne peut avoir une influence directe autour d’elle en partageant ses connaissances, en informant sa famille, ses amis, ses voisins, les commerçants où elle dépense son argent, ses collègues de travail (en étant prudent de bien choisir le contexte) et les élus de son quartier. L’action individuelle n’est pas menaçante, elle permet le dialogue ouvert, elle occasionne des échanges d’arguments et si la personne prend le temps d’écouter ce que les autres ont à dire, elle affute son argumentaire et raffine son approche. Une personne peut aussi rayonner autour d’elle via les médias sociaux, les médias individuels (blogues) et une participation active dans les médias traditionnels par le commentaire, la lettre aux éditeurs et les sondages (dont il faut se méfier – j’y reviendrai). Il est préférable de limiter ce genre d’actions à quelques heures par semaine (2 à 3 heures max) afin de ne pas tomber dans un cycle d’isolement et affecter négativement le reste de sa vie. Une personne peut à elle seule faire une différence dans sa société, mais ça demande des efforts colossaux. Et le cycle des échecs et victoires n’est pas facile à encaisser. Il est préférable d’agir aussi en groupes.

 

Petits groupes

Un petit groupe de deux, trois personnes, pas plus de cinq, peut faire de petites actions rapides et imprévisibles pour les opposants. Il faut choisir des gens dans une proximité géographique – même rue, même quartier, même circonscription électorale – et faire des actions sur des cibles locales. Tout en rayonnant individuellement (voir bloc précédent), le groupe permet la spécialisation des tâches, la multiplication des voix derrière un message commun, et envoie un message de cohésion. Les membres peuvent dire à leur interlocuteur : « je fais partie d’un groupe de citoyens qui… » Ces groupes peuvent cibler les interlocuteurs qui sont influencés par les petits ensembles : commerçants et gens d’affaire, association locale, institutions publiques et parapubliques implantées localement.

 

Grands groupes

Les groupes plus larges demandent des réunions bien organisées, un système de communication efficace et des processus de délibération et de consensus. Ils peuvent adéquatement représenter un quartier, une ville, et se coordonner avec d’autres groupes semblables pour poser de grandes actions concertées en se coalisant dans un lieu d’influence ou simultanément chacun de leur côté pour envoyer un message de cohésion provinciale. Comme ils sont composés de citoyens bénévoles, il faut doser les réunions et actions afin de ne pas surcharger les personnes. Dans un registre local et régional, les cibles pertinentes sont alors les élus, les associations de gens d’affaires, les médias et d’autres groupes influents ou dont l’opinion peut aider à peser dans la balance durant les actions de masse.

 

Les groupes environnementaux

Les groupes environnementaux constitués en OBNL accomplissent au Québec un travail colossal d’éducation et de sensibilisation. Je pense à l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), Équiterre, Nature Québec, le Centre québécois du droit de l’environnement, la Coalition Québec meilleure mine, la Fondation Rivières et bien d’autres. La base première de ces groupes, c’est l’adhésion citoyenne. Le montant de votre adhésion les aide à opérer, mais ça ajoute aussi votre nom aux listes d’information et ça permet à ces groupes de dire à leurs interlocuteurs : nos XXXX membres sont derrière nous. Imaginez si demain les groupes environnementaux voyaient leurs rangs doubler. Le message envoyé aux élus et aux compagnies qui menacent l’environnement serait clair. Ces groupes peuvent aussi mettre des ressources pour colliger de l’information, engager des experts et produire des documents d’une grande rigueur factuelle pour soutenir leurs campagnes et participer aux consultations publiques. Ces groupes ont la légitimité et la compétence pour confronter les élus des villes, des régions, de la province et du Canada. De plus, les individus, les petits et grands groupes de citoyens peuvent se joindre à eux pour des actions concertées où les grands nombres sont souhaitables.

 

Les groupes dans d’autres pays

À moins d’une action mondiale, les groupes internationaux sont surtout une source d’informations et d’inspirations. Il y en a des centaines, voire des milliers. Seulement en France et aux États-Unis, il y a suffisamment de groupes pour y puiser de l’information pertinente aux enjeux qui nous concernent ici au Québec.

 

Que devrais-je faire?

Si vous vous demandez si ça vous concerne, je vous invite à cliquer sur ce lien et parcourir le trajet de l’oléoduc 9B de Enbridge qui pompe actuellement du pétrole d’est en ouest.

 

Lien pour le tracé de l’oléoduc 9B de Enbridge. (La carte a été collectée par Équiterre, mais rendue possible par le travail du personnel et des bénévoles de Environmental Defence, Comité Environnement St-Césaire, NRDC et 350.org.)


Agrandir le plan
Le projet d’inversion de l’oléoduc 9B menace la santé et la sécurité des communautés locales le long du tracé, et l’approvisionnement en eau des citoyens en aval de l’oléoduc. En cas de déversement, environ 3 millions de personnes seraient affectées. Et si vous croyez que j’exagère, remontez les articles précédents de cette série et allez lire sur l’accident de l’oléoduc de Enbridge dans la rivière Kalamazoo, et ce plus récent article sur les conséquences de la tragédie de Lac-Mégantic. Le pétrole déversé pourrait faire d’autres dégâts

 

La suite

Dans mon prochain texte, j’énoncerai des éléments importants à considérer dans la mise en œuvre de cette campagne de persuasion pour atteindre de l’objectif stratégique d’arrêter les projets d’oléoducs afin de protéger l’eau potable. Avec la campagne électorale qui approche, je ferai une suggestion de cibles et de stratégies pour passer à l’action citoyenne dans les cinq prochaines semaines afin d’inviter tous les candidats à protéger l’eau, un bien commun essentiel à la vie.

 

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