BloguesDu haut de la King

FME jour 3 (correspondance rouandaise)

Salut
man,

 

Si je
voulais que tu saisisses l'esprit qui anime le FME en une seule image, je retiendrais
sans doute celle-ci: la gueule d’ahuri d’Yves
Lambert
se détachant de la foule au concert de Duchess Says. Je ne sais pas s’il est resté jusqu’à la fin monsieur
Bébert (je peux te garantir qu’il n’a pas plongé dans le circle pit, en tout
cas), je ne sais pas non plus si l’ex-leader de la Bottine-tine-tine a rigolé
pendant cette cérémomie insane et défoulatoire présidée par l’inquiétante Annie-Claude
Deschênes
. Peu importe, son ouverture d'esprit l’honore (Lambert avait offert un
spectacle familial en plein air un peu plus tôt en journée).

Même si Duchess Says est devenu assez prévisible
dans son imprévisibilité, c’est toujours avec une fascination bouche-bée que
j’observe la toute menue Annie se garrocher à gauche, à droite, couiner comme
un cochon que l’on égorge et dévisager de son regard glacial les spectateurs.
Comme de raison, elle était déjà descendue de scène avant la fin de la deuxième
chanson (pour mieux nager dans la foule) et n’y est presque jamais retournée,
allant jusqu'à remettre son micro et les responsabilités qui viennent avec à un
fan exalté. Les punks qui étaient venus assister au concert des locaux Nique à Feu (les Rancid du Nord qui
précédaient Duchess Says sur la scène du Petit Théâtre du Vieux Noranda) s’en
sont donnés à cœur joie quand Annie a demandé à la foule de se séparer en deux
pour un wall of death digne d’un concert de Children of Bodom. Et c’était fort,
très fort, assourdissant, un vrai cas de bouchons. Bien hâte d’écouter leur
nouvel album qui paraît en octobre, je crois.

L’accent parisien se faisait entendre bruyamment
sur le parvis de l’Agora des Arts, où Young
Empires
, trio électro-dance torontois dont se sont entichés les Inrocks,
recréait leur propre version de la mythique émission de MusiquePlus Bouge de là. Retour total aux années 90
et à sa dance androgyno-mélancolique, pleine de tambourines, de lignes de
basse assassines et d’instruments pseudo-exotiques (mettons, une flûte de
pan). Le FME s’enorgueillissait dans son dépliant de programmation que la
formation ait participé à une compilation du très branchouille label français
Kitsuné; à mon sens, ça dit tout ce qu’il faut savoir sur ce groupe-là. Si tu
écoutais plus de Cut Copy et moins de Maiden, tu aimerais Young Empires. Mais tu
n'écoutes que du Maiden et du Priest, espèce de motté…

Je suis retourné au Petit Théâtre attraper la fin
de Galaxie (un autre cas de
bouchons). Josée-les-lunettes entrait au même moment que moi, en courant, parce
que commençait Jusqu’à la fin,
"sa" toune (la toune de filles, oserais-je dire). Oui, il peut parfois avoir le
cœur tendre Olivier Langevin, qui
était flanqué de son grand frère spirituel Fred
Fortin
(grosse basse vrombissante), de Pierre
Fortin
(grosse batterie bulldozer) et de Dan Thouin (claviers et effets sonores rigolos, en remplacement de
François Lafontaine). En ce qui concerne les deux choristes, Audrey-Michèle Simard et Myëlle, mon féministe intérieur
pourrait regretter qu’elles jouent à ce point les utilités, si ce n’était de mon
Tommy Lee intérieur, qui parle plus fort que tout le monde, et qui aime que des
filles grimées se trémoussent sur scène pendant un show rock. Voilà pour les
stéréotypes.

Le FME, c’est aussi beaucoup de rencontres
improbables. Tu vois, j’ai raté hier après-midi un concert surprise de Patrick Watson au pied des
cheminées
("celles qui brûlent jour et nuit") de la
Noranda (on y avait, semble-t-il, transporté un piano).

L’autre rencontre improbable s'est avérée,
finalement, un match parfait entre le rock bluesé et ténébreux d’Amanita Bloom et le Bar Club des Chums,
un établissement de seconde zone qu’investissent tout au long du week-end les
festivaliers désireux de faire du tourisme de classe (class tourism) en buvant
des quilles de Labatt 50 (un plaisir auquel je n'ai pas pu résister).
Habituellement, le duo Éclipse y officie et fait retentir sur toute l’avenue
Carter ses reprises de Corbeau et cie.

On se serait crus dans un film de Tarantino, à cause
du décor du Bar des Chums (les musiciens étaient installés entre les machines
de vidéo poker et les toilettes), mais aussi parce qu’Amanita Bloom semble
avoir écrit toutes ses chansons spécialement pour qu'elles figurent sur la b.o.
d’un Tarantino. Tout y est en tout cas: orgue à la The Doors, voix
caverneuse qui rappelle Nick Cave et guitares réverbérées façon Urge Overkill (parlant de
b.o. de Tarantino!). Assez traditionnel dans la forme, mais très incarné, très
américain. Mon concert préféré à date.

Me suis ensuite laissé dériver jusqu’à la Nuit
électro. Tu me pardonneras de ne pas trop savoir quoi t’en dire, j’étais un
brin abîmé rendu là. Une avenante demoiselle venait de m’offrir une pilule
d’ecstasy, alléchante proposition que j'ai sagement déclinée.

Parlant drogues, j’ai croisé un Christophe
Lamarche-Ledoux (Man Machine, présent ici à titre de technicien de son) vaguement
blafard. L'ami descendait la pente d’un buzz de champignons magiques. Comprends
moi bien, il n’était pas amoché Christophe, seulement vaguement amorphe. «J’ai
pêché tout l’après-midi sur un ponton, man, un fuckin’ ponton. On a pris du
mush et on a fumé des pétards. C’était super!» Un homme heureux, quoi.

Un peu plus tôt dans la journée, pour le 5 à 7, je
suis allé voir Jérôme Minière. Ce
n’était pas mon intention pour tout te dire, avant que le croise jeudi soir au
Cabaret de la dernière chance avec, à sa gauche, le batteur Marc-André Larocque (Dumas, Hello
Postier, 12 hommes rapaillés), l'homme au back beat imparable, un de mes
batteurs québécois favoris, sinon mon batteur québécois favori.

Surprise, Minière est capable de rock. De rock
d’obédience situationniste et d’inspiration oulipienne pour être plus précis.
Une performance plutôt survoltée, dans la mesure où Jérôme Minière peut être
survolté, durant laquelle l’intelligence de ses textes narquois m’a totalement
ébloui. Intelligent, le gars, trop intelligent, et culotté en plus. Je ne te
parle même pas de ses quelques pas de danse faussement empotés qui ont déridé
l’Abstracto, rempli à ras bord (j’ai passé tout le concert appuyé contre le
cadre de porte).

ciao,

Dominic