Bonjour, bonne année. As-salâm ‘aleïkoum. Je sais, je suis en retard pour les voeux, mais je m’étais dit que je ne reviendrais seulement que quand on aurait fini de s’encharter le chignon. La semaine dernière j’ai failli venir chiller avec vous et les Pineault-Caron, mais finalement je préfère laisser les médecins se prononcer. À eux comme à vous, la santé surtout.
Lundi, j’ai failli sortir pour lécher les plaies de Lucian Bute, l’idole paralysée aux bras muets injectés de doute. Mais j’ai eu peur d’avoir la communauté haïtienne sur le dos en affirmant que c’est encore Froch qui l’a emporté samedi. À deux doigts de décréter que les Anglais sont tous des voyous, je me suis retenu l’abus, et je suis allé lire Foglia à la place, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps, convaincu qu’il avait lâché la charte depuis un boutte et qu’il avait un bon vieux fromage de son coin à me recommander.
Mais c’est dans la charte jusqu’au cou que j’ai retrouvé Pierrot le typographe ce matin, dans un texte intitulé le débat, un texte qui sentait aussi fort que les fromages de son coin.
Et Pépère la virgule, dans un récit noir et blanc légèrement sépia, de nous raconter encore son enfance antédiluvienne de fils d’immigrant digne et vaillant, parce que c’était dont mieux avant. Et de nous dire qu’en ce temps-là, un immigrant, c’était un invité, et qu’un invité, « c’est quelqu’un qui ferme sa gueule et qui dit merci ». Immédiatement j’ai remercié le ciel et les dieux de la chronique que Pierrot ne se soit pas imposé son propre dogme, lui qui la ramène toutes les semaines depuis des décennies sur une terre qui ne lui a pas dit « tais-toi » à la descente du bateau (les avions n’existaient pas encore).
Auto-protégé par un peu habile « je vais me faire traiter de raciste », Pèpère surenchérit:
« On a beau dire que le problème, c’est pas les musulmans… Un peu, quand même. Ce serait moins compliqué avec des Polonais et des Italiens. Le problème avec les musulmans, c’est qu’ils sont beaucoup plus musulmans que les chrétiens ne sont chrétiens. On a un Jean Tremblay à Saguenay. Ils ont 243 millions de Mohamed Tremblay un peu partout. »
Juste assez pour me faire sortir de mon hiver.
Est-ce que c’était raciste? Ça prendrait bien du temps, bien de la bière, et bien de la mauvaise foi pour en débattre, et on en déboucherait, à coup sûr, sur rien. Cependant, dans le climat actuel, une chose est certaine: c’était crétin, Pierrot. Une chance que j’ai lu mille et un textes magnifiques et humanistes de Foglia depuis 243 ans pour m’imposer ce constat sage je crois: Pépère a l’air de dieudonniser, mais je ne pense pas que ce soit très grave. Au pire il pineault-caronnise d’ennui, au mieux, du lit à la fenêtre, et puis du lit au fauteuil, il vieux-connise, rien de plus.
Je les aime moi les vieux. On leur doit beaucoup, et on leur rend si peu. L’an dernier, ma mamy de quatre-vingt sept ans est tombée, et elle m’a foutu la trouille. J’avais écrit un petit texte sur elle, et vers la fin ça disait ça:
« Mamy, elle sent le pipi, mais elle a gagné la guerre. Mamy, elle a eu vingt ans, et des seins à faire perdre la raison. Mamy, dans ce monde devenu fou, elle tombe pour nous dire qu’aussi absurdes ou grandioses puissent être nos rêves, minables ou luxueuses nos maisons, idiotes ou rentables nos prétentions, jamais, jamais tout cela n’aurait existé sans elle. Et pour ça, juste pour ça, elle nous invite à venir faire un petit tour de temps en temps, histoire de voir si des fois, elle ne serait pas tombée. »
Salam Pépère, je vais continuer à venir faire mon tour de temps en temps.
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Très amusant de lire les apôtres de la rectitude politique s’énerver le bien-pensant à la moindre allusion au prosélytisme religieux et politique des communautés islamistes. La petite allégorie de Pierre Foglia n’a pourtant rien de très vindicative, malgré le léger parfum célinien qui la nimbe !
Mais c’est moins la défense de convictions que l’on perçoit à la lecture du papelard que l’ambition du blogueur de se farcir un chroniqueur dont il envie le lectorat. Ainsi la multiplication des Pierrot par-ci-par-là et autres faux-semblants d’intimité, et cette prétention dédaigneuse à ne pas lire la chronique mais à la visiter telle la visite chez grand’mère sont à cet égard plus qu’éloquentes.
Et que dire de ce fascisme coutumier du nombrilisme bien-pensant et de cette salle habitude de disqualifier l’auteur non par son argument mais en déclarant celui-ci infréquentable pour cause d’insanité ? Ici, c’est c’est l’âge qui justifie l’exil du cercle des vertueux, l’âge qui condamne le chroniqueur à errer « du lit à la fenêtre, et puis du lit au fauteuil ». Franchement dégueulasse !
Vous pouvez vous le garder votre humanisme, M. le blogueur.
J’aime Foglia depuis que je suis capable de le lire, et je l’ai assez louangé pour disqualifier gentiment les intentions que vous me prêtez sans fondement.
Et même sur la charte, j’avais salué ça de lui, en octobre:
«La laïcité n’est pas non plus un truc pour dire aux musulmanes ôtez votre voile. C’est même le contraire. La laïcité leur dit mettez-le, ôtez-le, on s’en crisse. C’est pas notre problème. Si vous le portez librement, good, si vous le portez parce que votre père, votre mari ou vos frères vous y obligent, mauvaise nouvelle : contrairement à ce que suggèrent les Janettes, la laïcité ne vous aidera en rien non plus. Il y a d’autres chartes pour ça.»
« il vieux-déconnise »… Y a pas grand chose à ajouter !
Et ça nous pend tous au nez!
Se servir de l’age ,du sexe , de la couleur de la peau ,de la religion ,pour discréditer quelqu’un ca fait » cheap » ca fait coup en bas de la ceinture vous ne trouver pas mon monsieur .
Vous devrier offrir vos service aux commerçants de la Grande Allée ils vont vous accueillir a bras ouvert .
Suite…
Ainsi, un chroniqueur reconnu pour son humanisme nomme le prosélytisme et les ambitions politiques de communautés particulières et se voit gentiment indiquer la sortie de l’espace publique, coiffé du bonnet d’âne des attardés politiques et entraîné enfin par la milice apolitique des « citoyens du monde » à la maison guiliguili des ti-vieux-pus-dans-le-coup.
Les bien-pensants du politiquement correct cherchent à purger le discours politique de toute part d’agressivité, de toute notion de confrontation et de lutte. Les bien-pensants du politiquement correct professent une rectitude idéalisé des relations humaine, valeur pieuse qui repose sur une croyance « illuministe » au Bien universel et se révèle à coup sur culpabilisante, légaliste, misérabiliste et condescendante.
Cette valeur idéale cache en fait une peur profonde de l’Autre, de son altérité irréductible et intransigeante, de son inquiétante insoumission, qu’elle soit politique, culturelle ou sociale.
Ce déni de l’Autre et de sa pensée au profit du prêt-à-penser consensualiste nous remémore le brillant commentaire de Jean Baudrillard sur la fatwa lancée par Khomeiny contre l’écrivain Salman Rushdie ; Baudrillard démontrant que Khomeiny avait coincé l’Occident en proférant les seuls mots qui fassent sens dans une société tétanisée aux ronrons lénifiants et hypocrites des chartes de droits et du légalisme, illusions du narcissisme humaniste occidental :
« Dans une société qui, à force de prophylaxie, de mises à mort de ses référence naturelles, de blanchiment de la violence, d’exterminations de ses germes et de toutes parts maudites, de la chirurgie esthétique du regard négatif, dans une société qui ne veut plus avoir affaire qu’au discours du Bien, où il n’y plus de possibilités de dire le Mal, celui-ci s’est transformé dans toutes les formes virales et terroristes qui nous obsèdent. La force de l’anathème, la puissance de dire le Mal nous échappe. Mais elle ressurgit ailleurs » (La Transparence du Mal, 1990)