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L’ADISQ, le petit fromage d’ici

Après chaque gala de l’ADISQ, un nombre toujours conséquent de commentateurs s’exprime sur l’inutilité de ce spectacle. On souligne l’absurdité de sa logique (Le cas Cowboys Fringants en 2011), ses noms de catégories rétrogrades ( album de l’année – adulte contemporain) et ses nominations absurdes. La palme cette année à la nomination de Leonard Cohen, dans « l’autre gala », pour meilleur album anglophone.

Deux choses à ce sujet : placer cette catégorie dans l’Autre gala de l’adisq, c’est-à-dire le « petit gala », démontre à quel point nous manquons collectivement d’égard envers les anglophones. Dans le même ordre d’idée, faire l’affront au plus grand chanteur québécois de l’honorer dans un « petit Gala » démontre comment on traite nos artistes non francophones.

Le cas de Leonard Cohen résume un peu la vision identitaire qui anime ce gala et qui consacre l’impossibilité pour un québécois anglophone de se voir consacrer par sa province d’origine. Le problème n’est pas nouveau, Jay Baruchel qui est né et a grandi à Montréal avait déjà soulevé la question l’année dernière quand il avait demandé si les Jutra n’avaient pas un travers anti-anglophone. En effet, le film dans lequel il prenait la vedette, The Trotsky, n’avait rien remporté cette année-là; ni le très bon Barney’s version d’ailleurs. L’article paru dans The Gazette n’avait même pas soulevé l’ombre d’un débat dans la province. D’où parlez-vous, messieurs? De l’Ouest montréalais? On n’entend pas.

 Les galas de l’ADISQ se résument à ce mot qui contamine toute l’identité québécoise depuis quelques années : « d’ici ». Tout doit être aujourd’hui siglé d’« ici » : « le fromage d’ici », les talents d’ici, la culture d’ici ( « Sirus, fier de soutenir les talents d’ici », etc). Mais entendons-nous bien sur le terme : il ne désigne pas un lieu physique, mais une identité culturelle; le petit fromage d’ici est francophone ou plutôt de souche francophone. Rappelons pourtant la mission de l’ADISQ : promouvoir l’industrie québécoise de la musique et organiser un gala annuel visant à récompenser les artistes, artisans et professionnels de l’industrie québécoise de la musique. Considère-t-on comme un fait établi que Québécois est un synonyme de francophone? À l’évidence. Arrêtons donc l’hypocrisie autour du terme « québécois » et appelons directement ça le gala de la francophonie en Amérique du Nord.

Comme on m’a répondu sur twitter : «  Leonard Cohen, n’est pas politiquement parlant (ni même socioliquement!) Québécois)… »  Cohen, le plus grand artiste vivant du Québec est donc physiquement du Québec, mais politiquement un non-québécois. C’est, en d’autres termes, un citoyen de seconde zone; il ne mérite donc pas d’autre prix que celui que sa condition linguistique lui réserve. Je suis peut-être parano, mais ce qui me dérange le plus de ces galas, c’est que l’on voit de manière trop évidente, dépasser sous les robes de galas, les bobettes nationalistes; un nationalisme insulaire qui ne fait la promotion de sa richesse que quand il juge qu’elle est assez « sociologiquement » d’ici.

 Quelles solutions imaginer pour essayer de produire un vrai gala inclusif et représentatif du bouillonnement culturel de la province? Deux s’imposent :

-mélanger l’autre gala et le gala officiel : cela permettrait de faire la promotion de ceux qui en ont le plus besoin : la relève. On imagine une émission un peu plus longue avec moins de pub et  moins de mauvais medley à la Belle et Bum.

-inclure les québécois anglophones. Pour quelle raison au juste? Pour la simple et bonne raison qu’ils sont québécois, même si beaucoup essaient de le nier.