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La Charte et Charest

Il était une fois le petit roi Charest. Il mettait son royaume en émoi depuis des mois en méprisant une partie importante de ses commettants, crachant un peu au visage par-ci, matraquant un peu par-là. Surpris et dépassés par l’ampleur de la réaction et de sa durée dans le temps, le petit roi et sa basse-cour fomentèrent un ratoureux plan, qui tournait certes un peu les coins ronds en matière de droits fondamentaux, mais qui au moins aurait probablement le mérite de calmer le jeu en faisant peur aux gens. Après tout, les vacances arrivaient à grand pas, et le petit roi avait décrété que le mois de juillet n’était pas fait pour faire de la politique. On n’aurait qu’à prendre les gens pour des imbéciles, leur dire que c’est pour l’éducation, ça passerait comme dans du beurre.

 

Mais voilà, la semaine dernière, le petit roi a vu un autre grain de sable s’immiscer dans l’engrenage bien huilé de son petit conte de fée. Cette fois, c’est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui juge que la loi 78 porte atteinte à des libertés fondamentales garanties par la Charte. L’émission de tels avis est l’un des rôles fondamentaux de cette commission.

 

Cet avis de la Commission n’est pas vraiment une surprise, et elle n’est d’ailleurs pas la première à se prononcer sur le caractère antidémocratique de la loi 78. Rappelons simplement que jusqu’à la toute dernière minute (littéralement) avant que la loi ne soit adoptée, le Barreau du Québec faisait connaître son malaise face à cette loi. Ajoutons à cela une manifestation de quelques 500 avocats dans les rues de Montréal au lendemain de l’adoption… Pas particulièrement des groupes réactionnaires anarchisants, on en conviendra.

 

La réponse automatisée du petit roi à ces critiques sérieuses est tout bonnement pathétique : « Pour nous, cette loi est basée sur le droit à l’éducation et ne limite en rien le droit d’association ». Un véritable crachat au visage (un autre!) que ces propos démagogiques et trompeurs. Le plus grave est sans doute qu’une partie de la population, écœurée par les manifestations quotidiennes du printemps et pas particulièrement éprise de droits fondamentaux, cautionne et reprend en coeur les refrains du petit roi.

 

Mais qu’on se le dise : les droits fondamentaux, on y recourt surtout en situation de crise. Quand les policiers de Gatineau se sont retrouvés avec un conflit de travail qui s’éternisait dans les dernières années, ils ne se sont pas gênés pour manifester leur mécontentement en portant des accoutrements ridicules, leurs collègues d’autres corps policiers ont aussi manifesté près des ponts montréalais à l’heure de pointe. Et ils étaient dans leurs droits.

 

À ceux qui reprennent en cœur le refrain autoritaire du petit roi Charest: quand sera venu le temps de défendre vos conditions de travail, ou une cause qui vous tient à cœur, et que l’on pilera sur vos droits en guise de réponse, est-ce que vous allez docilement rentrer dans les rangs?