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Nous?

Dans la foulée du «printemps québécois» que j’espère et que j’appelle en même temps, il y a «Nous?»

Nous?, c’est le Québec comme nation en ces temps troubles. Mais c’est aussi un spectacle collectif qui s’ouvre vers une sorte d’agora où les spectateurs pourront réagir et s’imbiber de la parole de nombreux artistes et intellectuels, parmi lesquels on retrouve Sébastien Ricard et ses Loco-Locass, Jean Barbe, Éric Bédard, Mathieu Bock-Côté, Joseph-Yvon Thériault, Olivier Choinière, Michel Seymour, Dominic Champagne, Évelyne de la Chenelière, etc. Toute une brochette quoi! L’événement «Nous?» semble proposer une réflexion sur l’état de notre société et des lectures de toutes sortes en trois lieux tous rassemblés autour du Monument national, rue St-Laurent à Montréal.

Le texte fondateur de l’événement souligne notre particularité historique comme petite nation en Amérique, mais il inscrit également notre indignation actuelle comme faisant partie d’une mouvance internationale:

«Certes, le Québec participe d’un portrait plus large, celui d’un monde ébranlé par un capitalisme féroce, soutenu par les gouvernements et travaillant sans relâche à la déchéance des États. L’emballement et les excès du marché mondial instaurent une concurrence généralisée qui échappe à toute forme de régulation, menaçant les acquis humanistes des révolutions française et américaine. Cette érosion de la démocratie, si elle affecte des États constitués, minant leurs assises et leur pouvoir, elle menace d’anéantissement une société comme la nôtre, sans constitution et qui cultive pourtant l’illusion de sa cohésion et de sa cohérence.

Dans cet état des choses, alors que les mouvements de révolte et d’indignation traversent actuellement le monde, ouvrant des perspectives qui semblaient hier impensables, ici, la tentation est vive de dénoncer cette fausse présence au monde qui désarme l’esprit révolutionnaire. Car sans cet esprit il ne saurait exister de démocratie».

J’ai souvent dit dans ce blogue que c’est par les arts (et les artistes) que nous prendrons conscience de notre particularité (historique, culturelle…) en ce monde et des conséquences de celle-ci sur le plan politique. Un événement comme «Nous?» sert à cela. Reposer la question de notre existence, de notre cohésion, de notre devenir comme collectivité…

Il me semble nécessaire de réarticuler ces questions. Pas parce que notre pertinence comme nation s’étiole, mais parce que notre capacité d’intégrer nos immigrants en français et de faire du Québec une société où il fait bon vivre me semblent pour le moins mises à mal ces temps-ci par nos gouvernements et nos élites politiques et économiques…

Je m’explique. Le gouvernement de Jean Charest fait du français la langue des pauvres en permettant les écoles passerelles pour contourner la loi 101; il sur-valorise l’anglais en éducation; il ferme les yeux sur l’anglicisation de Montréal… Le gouvernement Harper nie le bilinguisme officiel et traite le Québec sur le plan politique comme un gros Chinatown qu’il ne vaut plus la peine de courtiser politiquement. Et nos universités ne se croient «internationales» que lorsqu’elles offrent des diplômes en anglais… Rajoutez à cela la vision du développement économique de nos gouvernements qui ressemble dangereusement du côté de Québec à l’ère duplessiste du «pense-petit car nous sommes une province qui ose à peine faire mieux que les pays en voie de développement» ou encore à Ottawa avec la fuite en avant de ces mastodontes du pétrole et du gaz qui s’enrichissent sur le dos de notre capacité à envisager l’avenir avec de l’air dans l’air et de l’eau dans l’eau

C’est pourquoi j’applaudis le mouvement étudiant. Parce qu’ils sortent dans la rue, se réapproprient la parole et ratissent de plus en plus large. Leur mobilisation débouchera peut-être sur une réappropriation collective du discours et de l’espace publics. «Nous?» en est une occasion supplémentaire…