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Skateboarding is not a crime; manifester sans itinéraire non plus!

Un voisin du web m’a fait découvrir ce fabuleux et extraordinaire court métrage de Claude Jutra: The Devil’s Toy, datant de 1966 et tourné dans le Westmount décomplexé de cette époque. C’est l’un des plus beaux film que j’ai vu dans ma vie. Il y a quelque chose d’éternel dans cette imagerie d’une jeunesse montante qui bouscule les habitudes et les codes de la société.

Le film propose comme dédicace: «To all victims of intolerance». Il peut être vu comme une fable de son époque, mais aussi comme un conte reflétant la dialectique profonde et récurrente à toute communauté politique: le réflexe autoritaire des élites et du pouvoir en place devant la montée de nouvelles pratiques spontanées, moins organisées, moins hiérarchiques, souvent imprudentes, comme la jeunesse qui les porte.

Après avoir vu le film, et avoir été ému par la toune finale chantée par Geneviève Bujold, vous comprendrez que face à la répression, les skaters ont adopté le slogan: «Skateboarding is not a crime

Aujourd’hui, je ferais un parallèle avec notre jeunesse revendicatrice, celle qui a porté le printemps québécois et qui ces temps-ci en est rendue à manifester pour le droit de manifester… Leurs revendications ont bousculé notre société fondée sur les rapports marchands. Cette jeunesse a aussi fait émerger de nouvelles pratiques collectives, moins organisées, moins hiérarchiques: Une manif est proposée sur le web. On se la partage. Sur place, quand les corps policiers demandent qui est l’organisateur ou le responsable, personne n’est en mesure de le dire. Comment alors s’entendre sur l’itinéraire à fournir aux autorités?

Et face à ce discours critique du marché, devant ces nouvelles manières de manifester, le pouvoir a réagis avec P-6: un règlement municipal qui interdit les manifestations sans itinéraire (sauf s’il s’agit de célébrations reliées au sport…), qui proscrit les masques et qui va jusqu’à justifier d’intervenir pour mettre fin à un attroupement illégal (un attroupement comprend un minimum de 3 personnes).

Non seulement P-6 est-il un règlement mal adapté à la nouvelle réalité des mouvements sociaux, mais il est en plus appliqué de façon abusive et inquiétante par nos corps policiers. Les stratégies d’encerclement et les amendes abusives données à tous les manifestants par le SPVM ressemblent à de l’intimidation judiciaire. Nous retrouvons-là des pratiques adoptées par les régimes autoritaires: punitions collectives, judiciarisation à outrance de ceux et celles qui usent de leurs libertés d’expression et de réunion pacifique, ostracisme, puis violence et intimidation.

(NDLR: ce papier ne croyait pas si bien viser avec l’allégorie entre les skaters et la jeunesse issue de notre printemps québécois, puisque quelques semaines après sa publication, les skateboards ont été interdits sur les pistes cyclables de Montréal: autre durcissement qui ressemble plus à du profilage politique qu’autre chose… Lire à ce sujet J-F Nadeau.)

Skateboarding is not a crime! Manifester sans itinéraire et avec un masque non plus!