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Lire Romain Gary et aimer la France

Je prends à chaque année depuis trois ans la résolution de lire un «nouveau Romain Gary», c’est-à-dire de lire un de ses ouvrages que je n’ai pas encore lu… Il me reste encore 10 ans!

J’ai lu durant les Fêtes La promesse de l’aube et je suis en train de lire avec presqu’autant de bonheur son recueil de nouvelles intitulé Une page d’histoire, mais aussi publié sous le titre Les oiseaux vont mourir au Pérou.

Aimer Romain Gary nous aide à mieux aimer la France. Depuis le massacre à Charlie hebdo, on entend beaucoup critiquer «le modèle français», son rapport encore empreint de colonialisme face à ses citoyens issus de l’immigration ou nés sur son territoire mais jamais complètement partie prenante de la nation… On dit dans plusieurs cercles que la France est en crise, qu’elle est déprimée. Bien que le «déclin» de la France ait commencé avant, nous pourrions en effet dire que depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence, ce pays semble avoir perdu un peu de sa grandeur. La figure de Sarko-président pourrait même avoir préfiguré le glissement de la France vers encore plus de grossièreté, avec la ferveur de moins en moins gênée envers le Front national. Ce parti illustre en effet ce qu’il y a de plus mesquin et de malintentionné dans le discours politique français. Et le retour de Sarko sur la scène politique se fera dans une surenchère de ce populisme inquiétant.

Revenons donc à Romain Gary puisque ce dernier peut nous indiquer quel chemin prendre pour éviter la crise sociale et la grande fracture imaginée dans le nouveau roman de Michel Houellebecq, Soumission. Gary nous parle de la France mythique, de l’honneur français, de l’art de vivre méditerranéen, de la république dans ce qu’elle a de plus généreux et émancipateur pour l’individu qui s’y love. Dans La promesse de l’aube, qui est une sorte d’autobiographie romancée, Romain Gary nous parle de sa mère, qui entretenait une relation rêvée avec ce que ce pays incarne. Et comme le personnage du Général de Gaulle est souvent évoqué dans le livre, toujours de manière élogieuse, on pourrait dire que Gary fait référence à ce que le père de la Ve république appelait «une certaine idée de la France». Cette France sûre d’elle-même, mais porteuse d’une politique diplomatique distincte des autres grandes puissances, à mi-chemin entre Moscou et Washington…

Romain Gary nous reconnecte avec l’idéal d’une république qui prend des enfants issus d’ailleurs (Gary est né en Russie et a grandi en Pologne) et en fait ses plus fiers patriotes! Voilà à la fois le beau et le tragique de cette grande littérature : elle évoque une France qui nous semble révolue, dans un style d’une beauté sans nom, plein de profondeur, d’ironie et d’auto-dérision.

Comme quoi pour se reconnecter avec l’esprit d’une certaine France, il faille parfois nous sortir du dernier Houellebecq et retourner au plus beau des suicidés: Romain Gary.