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Nicaragua: polaroïds de la voisine

Je vous propose ici d’entrer en contact avec mon amoureuse, la voisine, à partir des «polaroïds littéraires» qu’elle a proposé par courriel à sa liste d’envoi pour rendre compte de notre passage au Nicaragua. J’aime son écriture, qui nous rend en quelque sorte l’atmosphère des lieux. Bonne lecture.

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Bonjour! Nous revoici!

La perception du temps me joue des tours. Le rythme nicaraguayen est si lent, et pourtant nous accomplissons tant de choses en si peu de temps. Je vous présente en vrac des descriptions, un peu comme des photographies de ce que nous voyons, de ce que nous vivons. Laissez aller votre imagination! Je vais tenter de faire en sorte que vous soyez un peu en voyage avec nous le temps de lire ce message.

Familles de Sontule – la vie à la ferme

S’imprégner de la routine : ici la vie suit son cours au rythme du temps, j’ajouterais du temps d’un pays d’Amérique centrale, donc au rythme du soleil qui se lève et qui suit lentement sa courbe dans le ciel, au rythme de mon estomac qui m’indique que c’est l’heure de manger, au rythme des diverses tâches quotidiennes à accomplir sans qu’il y ait d’échéance préétablie, seulement le cour normal des choses qui ont pour unique objectif de subvenir aux besoins de bases. Quoique ces tâches finissent par nous occuper la journée durant: un peu de lavage, désherbage, jardinage, cuisiner, remplir les barils d’eau près des latrines, de la pierre de lavage, pour la cuisine, etc. Rien de bien reposant…de l´eau, c´est lourd!! Pendant ce temps, Marianne est une petite écolière qui, du haut de ses petites jambes doit marcher un peu moins d’un km et monter une grande côte pour se rendre à l’école. Elle fait la marche avec son professeure Maïra qui vit en face de notre maison et quelques enfants qui attendent comme elle l’heure du départ vers la escuela. Sa journée débute à 8h00 et je vais la chercher vers 11h/11h30. Félix, Raf et Flavie travaillent à la plateforme de compostage avec le groupe de jeunes.  Et cette petite routine tranquille se fait dans un cadre enchanteur: montagnes verdoyantes, tantôt couvertes de brume, parfois complètement dégagées; jardins fleuris; cris de poules, d’ânes, chants de coqs, piaillements d´oiseaux et chiens qui aboient. J’ai la chance de partager le quotidien d´une femme extraordinaire, de sa famille, de discuter avec elle de la vie, de religion, de maternité, de la famille, partager ma façon de cuisiner et vice-versa, découvrir les plantes de son jardin utiles à la cuisine ou médicinales. Moments précieux qui m´ouvrent une fenêtre sur des gens d´un pays pour moi peu connu. Moments que je ne pourrais vivre autrement qu’en me posant 3 semaines au même endroit.

Moyens de transports: comme chez nous , mais différent!

-Marche (en talons haut dans la garnotte, en bottes de pluie, crocs, pour aller à l’église à la pulperia ou au champ, on marche peu importe la distance);

-Transport en commun (bus scolaire toujours surchargé – non mais surchargé! Ce qui nous oblige parfois à occuper le toit!);

– cheval (pratique pour initier les enfants d’âge préscolaire au calcul – les côtes sont bien identifiables habituellement);

– vélo (à un, deux, trois ou quatre – tout espace libre sur un cadre de vélo peut être occupé pis ça même pas l’air de faire mal aux fesses!);

– boite pick-up (debout, en sardines, bien assis sur une chaise de parterre en plastique);

– moto (idéale pour jeunes familles, souvent observé parents-bébé-petit frère sur la même moto, ai même vu une mère qui allaitait);

– taxi (5 sur la banquette arrière, pas de problème! On peut en mettre presque tout autant en avant);

– bateau-chaloupe (couverte de plastique ou pas, avec toit ou pas, mais toujours avec forte odeur d’essence!)

Mode (au Nica en général, pas dans nos familles par contre)

– Homme: casquette (Hollister si possible, une copie de la marque, bien entendu!), t-shirt remonté au-dessus du ventre (il fait chaud, mais on ne va pas jusqu’à se promener torse nu) et jeans.

– Femme: chandail moulant, le transparent est in, jeans moulant ou jupe moulante (le port de la jupe est obligatoire en tout temps si membre d’une église évangéliste).

Le croc (chaussure) ou la botte de pluie est très tendance, surtout à la campagne.

La jungle
– Lieu où le silence n’existe pas: cris de milliers d’oiseaux tous plus originaux les uns que les autres, bruits de singes, de grenouilles, d’insectes et sans doute pleins de vies qui nous sont inconnues. ET CE, le jour comme la nuit.

– Lieu où l’on découvre l’utilité et les bienfaits de la sueur, car oui, ici elle contribue à nous rafraîchir.

-Lieu ou la végétation est si luxuriante que l’on peut facilement trouver des feuilles grandes comme un toit de maison.

-Il ne semblait peut-être pas y avoir de problèmes de malaria ou dengue, mais il y avait du moustique en masse. Sans doute autant que dans le nord de l’Ontario.

Sueur
Liquide qui s’échappe de ton corps, mais ici sans faire d’effort physique particulier. On peut suer des paupières, des plis de bras, de jambes, du cou, entre les orteils, bref, de partout!

Le café

Je ne pourrais pas vous parler du Nicaragua sans évoquer le café. D’abord parce que cette plante cultivée dans les montagnes du pays pour en produire les graines qui seront récoltées, puis torréfiées et consommées par nombreux d’entre-nous est la principale source de revenus pour plusieurs fermiers nicaraguayens. Mais aussi parce qu’ici, cette boisson fait partie du quotidien de tous: on introduit la nourriture solide aux bébés de 6 mois  en y trempant la galette pour la ramollir, il accompagne les discussions occasionnées par la visite impromptue d’un voisin, d’un ami, d’un membre de la famille qui vient prendre sa pause dans ta cuisine, parce que le jingle publicitaire de la radio chrétienne locale nous répète matin-midi-soir que Torito café nous rendra heureux.

Dimanche
Jour du Seigneur et des rencontres familiales. Jour ou les Nicaraguayens occupent les rues de leur ville, leurs parcs et diluent un peu la présence parfois massive des touristes. La plage de la ville est habitée par les locaux qui, dès 8h, s’installent avec BBQ, équipement de baseball, Tona à la main! chaises et jeux de plage. Les femmes se baignent toutes habillées, rires et cris de joie s’évadent des petits et parfois grands groupes installés ici et là tout le long de la baie. Les cuisines de campagne se remplissent d’enfants et de petits enfants, on tue le poulet, on prépare la soupe du dimanche, on aide à l’exécution des tâches rendues trop ardues pour les vieux parents, les enfants jouent au soccer dans le pré. Ici comme ailleurs, l’homo-ado n’est jamais bien loin de son cellulaire, avec nous, mais un peu à l’écart jusqu’à ce qu’il soit interpellé par la mita qui réclame sa présence pour une quelconque aide, les tactiques sont toutes les mêmes on dirait!

Les fourmis
Il y en a des petites brunes qui ont l’air de rien, mais n’allez pas marcher en tites-sandales près de leur nid parce que «Ayoye donc!» Elles sont voraces et leur morsure élance pendant plusieurs minutes. (je l’ai expérimenté 2 fois plutôt qu’une!)

Il y en a des plus grosses, rouges, qui forment des autoroutes sur des kilomètres, rasant toute verdure sur leur passage et transportant sur le dos des morceaux de feuilles verdoyantes, pareil comme dans le dessin animé de Disney Vie de Bestiole ! Je n’ai pas tenté l’expérience d’y mettre mon pied!

L’eau
Le Nicaragua est bordée à l’est par la mer des caraïbes, à l’ouest par celle du pacifique, il a au centre deux immenses mers intérieures et de nombreux cours d’eau dont le majestueux Rio San Juan. Nous n’avons pas vu la mer des caraïbes, mais nous avons apprécié la fraîcheur et la beauté du Rio Coco qui coule ses eaux turquoises dans le creux du canyon de Somoto. Nous avons navigué la majestueuse Rio San Juan, rivière mythique autrefois visitée par les grands pirates de l’histoire qui cherchaient à prendre possession des grandes villes du pays dont Granada par le lac Nicaragua ou qui tentaient de trouver le passage vers le Pacifique. Cette rivière, longtemps coupée des grands axes routiers (et encore aujourd’hui, une seule route nous permet de l’atteindre soit de la capitale Managua ou du fin fond du Costa Rica) nous permet de découvrir une région qu’on dirait figée dans une autre époque (mais avec du réseau!) – les petites cabanes sur pilotis, les latrines au-dessus de la rivière, les femmes et les enfants qui se douchent ou lavent leurs vêtements dans le rio, les hommes qui pêchent, les caïmans immobiles, les martin-pêcheur, les singes hurleurs et le bateau comme unique moyen de transport. Dans le même coin, on explore de plus petites rivières : rio pequeno ou rio papaturro qui sont comme des veines, pénétrant davantage la riche nature, humide et grouillante de vies.

Le grand lac Nicaragua lui! nous a donné la frousse (et le mal de mer!) lorsque nous l’avons traversé à bord d’une lancha (qui nous paraissait grande et solide à l’embarquement, mais si fragile face aux vagues immenses qui inondaient mes pieds chaque fois que le nez de cette immense chaloupe piquait dans le creux de la houle créée par le vent. Pis on voyait rien! Nous étions dans la catégorie de bateau avec toiles de plastique opaques…fermées pour se protéger de la pluie et des vagues qui déferlent!). Mais ce lac a aussi fait la joie des enfants qui ont sauté à cœur joie dans ses vagues d’eau douce à l’ombre du volcan Concepcion au soleil couchant.

La mer du pacifique quant à elle nous a brassé par sa beauté et sa force. On s’y est trempé les pieds, le corps et la face le long des ses longues plages blondes ou dans de plus petites baies situées dans la partie sud du pays. On ne se lasse pas d’admirer les reliefs des rochers, les surfers dans leurs rouleaux bleus clairs, les couleurs changeantes du coucher de soleil. Le bruit incessant du rythme des vagues, rappelant celui du tonnerre. La fraîcheur du vent du large.

L’eau veut aussi dire récupération de l’eau de pluie: gouttières, barils, puits, tuyaux, irrigation, travail, lavage, cuisine – indispensable à la vie. Pas de gaspillage à ce niveau ici.

Quoi d’autre?
Je pourrais disserter sur encore plusieurs choses j’imagine…et notamment sur les : «j’ai chaud, shot gun sur le ventilateur! Pas l’droit de shot gunner un ventilateur…la bouffe non plus d’ailleurs! J’capote, c’est long, j’ai mal au coeur, y’a rien à manger, les enfants qui braillent, les piqures qui piquent, j’ai hâte de rentrer à la maison! le prochain voyage sera sans enfant!, etc….» Par ce que, ben oui! Y’a toujours un peu de ça quand on voyage (en famille). Mais ici: chhhuut. D’abord parce que les beaux moments ont été beaucoup plus nombreux que les moments plus difficiles, parce que nos enfants ont été d’excellents voyageurs (je tiens à le préciser), mais surtout parce que ce que l’on a retenu eh bien, c’est ça! J’espère que vous avez fait un beau voyage!

Geneviève Guérin