BloguesVoix publique

S’acheter du temps…

 

Le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, dévoilait aujourd'hui le très attendu rapport du BAPE sur les gaz de schiste.

http://www.cyberpresse.ca/environnement/dossiers/gaz-de-schiste/201103/08/01-4377060-le-bape-recommande-une-vaste-etude-environnementale.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS1

Avec ce rapport – gouvernement, industrie et citoyens confondus – tous s'achètent du temps…

Pour le gouvernement, plus spécifiquement, il arrive à point nommé dans un dossier controversé qui menace de lui coûter encore d'autres appuis dans les intentions de vote avec cette impression continue d'une trop grande proximité avec cette industrie.

Donc, le BAPE, reconnaissant dans les faits son ignorance scientifique quant au fond de la question, propose de «procéder à une évaluation environnementale stratégique», laquelle pourrait prendre jusqu'à 30 mois.

Un «passage obligé», selon le ministre Arcand.

Le BAPE reconnaît aussi qu'il n'existe «aucune étude validée par des travaux de terrain qui permet d'évaluer le risque que poserait (…) pour l'immédiat ou pour les générations futures» l'utilisation de produits chimiques par l'industrie. Mais cela, ne le savions-nous pas déjà?

D'aucuns conclueront donc à un moratoire de facto. Mais attention, le ministre lui-même n'en voit aucun: «pour moi, un moratoire, c'est de l'immobilisme!». Clair, non?

C'est plutôt une «pause» qui, pour l'industrie – au sein de laquelle oeuvrent plusieurs ex-attachés politiques du gouvernement -, pourrait aussi lui donner le temps nécessaire pour se préparer à mieux rebondir. La suite dira évidemment si cela sera ou non le cas.

Quant à l'inquiétante pratique de fracturation hydraulique, elle pourra continuer à se faire si c'est pour des fins d'études scientifiques.

Restera donc à voir si les «experts» qui s'y pencheront seront bel et bien indépendants.

Pour calmer le jeu dans les régions, le BAPE recommande aussi la création d'un «comité de concertation», question de pousser plus loin le concept d'«acceptabilité sociale».

Enfin, le BAPE reprend le message principal du gouvernement, soit que l'industrie ne doit pas être stoppée, mais «encadrée».

Pour ce faire, elle suggère que le ministère de l'Environnement de M. Arcand, et non celui des Ressources naturelles de Nathalie Normandeau, en soit chargé.

Or, on conviendra que dans les faits, un élément aussi majeur de l'«agenda» gouvernemental sera décidé par le premier ministre et le conseil des ministres. Et non par le seul ministre de l'Environnement. La démission sous Jean Charest d'un certain Thomas Mulcair de ce même poste rappellera ce petit détail à ceux qui en douterait.

Côté «acceptabilité sociale», le BAPE va jusqu'à proposer que l'on permette aux municipalités touchées d'«encadrer» le développement de l'industrie du gaz de schiste.

Or, en entrevue, le ministre Arcand réduisait déjà cette attente, précisant que les municipalités seraient «consultées». Nuance.

Sur la question des coffres publics, le BAPE reste flou en parlant de «bénéfice collectif optimal». Pas vraiment plus clair, le ministre Arcand dit quant à lui que le Québec devra recevoir sa «juste part».

Quelques précisions seront sûrement apportées sur le sujet lors du budget présenté la semaine prochaine.

Mais, bien évidemment, il n'est aucunement question ici de véritable propriété collective. Ni de voir, pour vrai, si ce besoin pour des énergies non renouvelables est bel et bien réel.

Même les chiffres qui circulent actuellement sur de futures redevances supposément «optimales», sont fort peu impressionnants…

************************************************************

Quant au président du lobby de l'industrie du gaz de schiste, Lucien Bouchard, il ne ferait aucun commentaire avant la semaine prochaine.

************************************************************

Bref, tout le monde gagne du temps…

Par contre, comme dans d'autres dossiers environnementaux ces dernières années, on mesure à quel point la mobilisation des citoyens, des artistes, des intellectuels et des scientifiques peut influer sur un processus décisionnel de plus en plus porté à se dérouler en vase clos entre les gouvernements et des intérêts privés dont la première préoccupation, de toute évidence, n'est pas tout à fait la préservation du bien commun.

Il s'agira maintenant de voir à qui, à moyen et long termes, pour vrai, ce «temps» acheté par le BAPE aura le plus profité…  Au gouvernement côté intentions de vote, à l'industrie côté profits ou aux citoyens côté protection du bien commun?

Et vous, vous pariez sur lequel?