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L’aveu

Alors que le premier ministre Charest est en voyage dans les vieux pays, la «une» du Devoir risque de revenir hanter son gouvernement. Longtemps…

http://www.ledevoir.com/politique/quebec/332803/monique-jerome-forget-au-devoir-le-genie-conseil-a-tue-les-ppp

Selon l’ancienne présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, les fameux partenariats public-privé (PPP) qu’elle affectionne tout particulièrement permettrait d’éviter la «fraude», les «extras» et les «dépassement de coûts» dans les projets d’infrastructures.

Une affirmation, disons, facile à réfuter.

Par contre, dans une attaque frontale contre les «firmes» de génie-conseil, elle avance que ce serait leur «gros lobby» auprès du gouvernement Charest qui aurait convaincu ce dernier de mettre la pédale douce sur les PPP.

Et Mme Jérôme-Forget de lancer ceci: «Pourquoi pensez-vous que toutes les firmes étaient contre moi? Et qu’elles se sont arrangées pour convaincre le gouvernement que ce n’était pas bon. Elles savaient qu’avec ça [les PPP], tu ne peux pas frauder. (…) les PPP, ça sauve la fraude. Et les dépassements de coûts. Ce qui fait que les ingénieurs n’aiment pas ça»!

Et encore ceci: «Jamais personne ne m’a offert une cenne. Ils savaient qu’ils ne pouvaient pas le faire avec moi».

Toujours selon elle, les PPP auraient également l’avantage de permettre une meilleure «concurrence» dans les appels d’offre pour de gros contrats publics.

Puis, retenez bien ce passage tiré de l’article du Devoir: «Monique Jérôme-Forget, elle, se souvient de son arrivée à la tête du Conseil du trésor comme présidente, en 2003. «Toutes les semaines, il y avait des dépassements de coûts. Ce n’est pas parce qu’il manque de personnel…»»

Et ce n’est pas tout: «dans plusieurs projets en mode traditionnel, les appels d’offres étaient douteux, se souvient-elle.»

Selon elle, avec les PPP: «impossible d’aller chercher des extras».

(Comme le note Le Devoir: ««Extra»: le terme, courant au ministère des Transports et popularisé par le rapport Duchesneau, désigne ces sommes supplémentaires de plusieurs pourcentages par rapport à la somme initialement prévue lors de l’attribution du contrat et que les entreprises de constructions réclament régulièrement une fois le projet entamé.»)

Qu’est-ce que semble vouloir dire Mme Jérôme-Forget?

Au-delà de la vision rose-bonbon, pour ne pas dire carrément jovialiste qu’a toujours eue Mme Jérôme-Forget de ces fameux PPP – nettement plus problématiques et coûteux dans les faits -, ce qu’elle avance dans cette entrevue ressemble surtout à un aveu. Même s’il est probablement involontaire…

Et ce, sur plusieurs plans.

Car si ce qu’elle a déclaré s’avérait:

Primo:  si, dès son arrivée en 2003, il lui est apparu que les PPP éviteraient la «fraude», les «dépassements de coûts» et les appels d’offre «douteux», c’est alors qu’au gouvernement, contrairement à ce qu’on y prétend depuis des années, on aurait su dès le début du premier mandat qu’il existait des manoeuvres de corruption, de collusion et de détournement de fonds publics dans les projets d’infrastructures.

Secundo: elle affirme être fière que «jamais personne ne m’a offert une cenne. Ils savaient qu’ils ne pouvaient pas le faire avec moi». Or, cela voudrait-il dire que lorsqu’elle était au gouvernement, elle aurait eu vent que d’«autres» qu’elle-même auraient reçu ce qu’elle décrit comme étant des «pots de vin»? Pourquoi lancer ce «Ils savaient qu’ils ne pouvaient pas le faire avec moi»?

Car s’il s’avérait que le gouvernement était au courant dès 2003 qu’il y avait «fraude», «dépassements de coûts» constants et appels d’offre «douteux» dans des projets nécessitant d’imposantes sommes en fonds publics, le refus obstiné de Jean Charest de mettre sur pied une commission d’enquête publique s’expliquerait d’autant mieux.

D’autant plus que dans les années suivantes, le même gouvernement, au lieu de combattre activement ce phénomène, a plutôt préféré mettre le pied sur l’accélérateur de la privatisation et de la sous-traitance mur à mur.

Soit, sur LE moyen par excellence d’attiser la convoitise vis-à-vis des fonds publics…

Sans compter le copinage et les «retours d’ascenseur» que le tout finit inévitablement par engendrer.