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Pendant que Pauline Marois était à TLMEP…

 

Ce dimanche, c’était au tour de Pauline Marois de se retrouver sur le plateau de la très populaire émission dominicale Tout le monde en parle.

Dirigeant un parti pour ainsi dire menacé de disparition, la chef du PQ obtenait ainsi la chance de s’adresser sans filtre journalistique ou partisan à plus d’un million de téléspectateurs.

Pour l’essentiel, Mme Marois s’en est tenue à son discours des dernières semaines: soit qu’elle restera à la tête d’un parti qu’elle refuse de quitter en pleine «tempête»; que tout irait tellement mieux pour le PQ s’il arrêtait de se «chicaner» en public; que, par conséquent, elle continuerait de sévir contre les dissidents de son caucus; qu’elle invite Gilles Duceppe à la rejoindre; qu’elle serait en quelque sorte victime du deux poids, deux mesures existant envers les femmes en politique (1), incluant sur le sujet de la fortune qu’elle partage avec son mari alors que cela n’est jamais reproché aux hommes – et enfin; qu’elle et le PQ entendent se «reconcentrer sur l’objectif qui est le nôtre», soit la souveraineté.

Voilà pourtant où le bât blesse.

Car de ne pas «se reconcentrer sur l’objectif» du PQ est précisément ce que lui ont reproché les premiers députés péquistes démissionnaires. Autant pour Louise Beaudoin, Lisette Lapointe et Pierre Curzi que pour Jean-Martin Aussant.

C’est aussi ce qui lui ont reproché les IPSO (Les intellectuels pour la souveraineté), le Nouveau Mouvement pour le Québec, Jacques Parizeau, et plusieurs autres.

Leur reproche principal étant que la «gouvernance souverainiste» de Mme Marois manquerait de clarté sur l’option du PQ, d’un plan défini pour sa promotion et son éventuelle réalisation.

Ce manque de clarté résidant dans un discours voulant que si le PQ prenait le pouvoir, sa chef chercherait à «faire avancer» le Québec en réclamant plus de pouvoirs d’Ottawa plutôt qu’en mettant l’accent sur la promotion proactive de l’option souverainiste.

Pendant ce temps, Paul Piché prend la plume

Or, sur le fond de la question – et donc, au-delà des discussions qui tournent invariablement autour de la personnalité de Mme Marois, du fait qu’elle «passe» ou ne passe pas, qu’elle soit une femme ou encore de sa compétence avérée de ministre, en ce même dimanche -, le chanteur et auteur-compositeur Paul Piché y allait d’une critique cinglante.

Sa critique étant à l’égard d’une direction du Parti québécois qui, depuis plusieurs années, pour reprendre ses propres mots, ne défendrait plus son option que lors de «points de presse» ou de «congrès de militants».

Dans les pages du Journal de Montréal, il signait une longue lettre ouverte débutant par ces mots: «Le mouvement souverainiste se métamorphose, se décompose ou implose, comme vous voudrez, chose certaine, ça inquiète.»

À l’argument voulant qu’il n’y ait plus d’intérêt dans la population pour cette question, l’artiste pointe plutôt du doigt le «silence» des leaders souverainistes eux-mêmes.

Paul Piché critique l’absence de ce qu’il souhaiterait voir le PQ faire, soit de se comporter à l’Assemblée nationale comme une véritable «opposition souverainiste». Lequel, écrit-il, «devrait faire la pédagogie de la souveraineté à partir du parlement». Que ce soit face au gouvernement Harper, celui de Jean Charest ou le nouveau parti Coalition Avenir Québec.

Puis encore ceci: «on ne peut pas espérer que la population fasse elle-même ses déductions et lance le débat sur la souveraineté dans la rue. C’est aux souverainistes à relancer ce débat en n’ayant pas peur des mots».

Sur la «gouvernance souverainiste» de Pauline Marois adoptée au congrès du PQ en avril dernier, il lance ceci: «Les militants du Parti québécois ont peut-être adopté le principe de la «gouvernance souverainiste» dans les règles de l’art démocratique, comme le soulignait Pauline Marois, mais nulle part il n’a été dit qu’on se tairait à ce point sur la question nationale d’ici la prise de pouvoir».

Puis, il définit ainsi ce qu’il appelle le «raisonnement des mentors péquistes»: «pour faire la souveraineté, il faut prendre le pouvoir et pour prendre le pouvoir vaut mieux ne pas trop parler de souveraineté. Résultat, plus personne ne s’intéresse à la souveraineté ni non plus aux partis souverainistes».

Ce qui, selon lui, ne changerait aucunement même avec un nouveau chef si celui-ci devait adopter la même attitude – une attitude qui domine par ailleurs au sommet du PQ depuis le dernier référendum.

La critique de Paul Piché envers le PLQ, les fédéralistes québécois, Québec solidaire et la CAQ de François Legault est tout aussi dure: «De gauche à droite, tous nous proposent de rénover la maison, mais personne pour dire que nous ne sommes pas propriétaires.»

Bref, ce qu’il exprime est qu’au-delà de Mme Marois elle-même – ou de ses prédécesseurs immédiats -, le problème est plus profond.

Ce problème étant, à quelques exceptions près,  le «silence» des dirigeants péquistes sur la souveraineté depuis 1996 dès qu’ils sortent des congrès, des conseils nationaux ou d’autres assemblées militantes.

D’où son message demandant à ce que le PQ prenne une approche plus proactive quant à sa propre option. Dès maintenant, à l’Assemblée nationale.

En d’autres termes, il appelle le PQ à délaisser d’ici la prochaine élection son approche «en-attendantiste»…

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(*) Paul Piché est également membre du conseil d’administration du Conseil de la souveraineté.

 (1) Hormis le cas de Mme Marois elle-même, cette question est nettement plus complexe qu’on ne le croit. Or, la question ici n’est pas tant de savoir si la plongée du PQ dans les sondages serait tributaire ou non du fait que Mme Marois soit une femme chef de parti. Après tout, jusqu’au printemps, le PQ dominait dans les mêmes sondages avec la même chef pendant que Gilles Duceppe, pourtant un homme, présidait à la décapitation du Bloc en mai dernier. Et ce, nonobstant sa popularité actuelle dans les sondages. Or, cela ne veut pas dire pour autant que de manière générale, le sommet du pouvoir politique ne soit pas encore en bonne partie un monde d’hommes… Mais seulement que dans le cas de Mme Marois, si le fait d’être une femme constituait réellement un handicap majeur et réel, rien ne pourrait alors expliquer pourquoi le PQ, sous sa direction, dominait dans les sondages jusqu’à l’écrasement du Bloc… Quoique, dans les faits, même quelques mois avant celui-ci, quelques sondages faisaient déjà état de la fragilité des appuis au PQ face à la simple possibilité d’un futur nouveau parti sous l’égide du duo Legault-Sirois.

La question n’est-elle pas plutôt de savoir ceci: dans la tempête actuelle, combien coûte au PQ la décision de Mme Marois de ne pas sonner le rappel et l’unité des troupes souverainistes et nationalistes, au PQ et hors PQ, avec une approche plus claire quant à son option en vue de la prochaine élection?

N’est-ce pas l’électorat souverainiste et nationaliste qui, dans les faits, est le plus démobilisé ici?

Et cette même démobilisation – en plus de bien d’autres facteurs – n’aide-t-elle pas aussi à alimenter la popularité de la CAQ?